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Belgique / Droit des étrangers /

La grève de la faim : seule solution pour les Afghans d’obtenir une protection en Belgique ?
9 décembre 2007 par Diane

Ils laissent derrière eux leur pays en guerre et partent vers l’Europe dans l’espoir d’y trouver protection et vie meilleure. Selon les itinéraires empruntés, certains arrivent en Belgique et y demandent l’asile. ASILE… ce mot qui revient si souvent et pourtant tellement inaccessible. Cette démarche aboutit souvent à un échec, et par désespoir, les intéressés vont jusqu’à mettre leur vie en danger pour obtenir gain de cause. C’est le cas de dix-huit Afghans qui ont achevé le mois dernier une grève de la faim entamée le 19 septembre 2007. Ils réclamaient le bénéfice de la protection subsidiaire.

Une grève de la faim qui a duré 55 jours !!!

Les grévistes ont eu au départ l’intention d’occuper une église pour y mener leur action. Finalement, cette grève de la faim a eu lieu dans le local du stade Georges-Frêche situé sur la commune d’Evere, propriété de la commune de Saint-Josse. En effet, suite à leur expulsion de l’église de la place Saint-Josse par le sacristain, le bourgmestre de Saint-Josse leur a mis ce local à disposition. L’action menée par les Afghans n’a pas été très suivie par l’opinion publique, elle s’est déroulée dans une indifférence généralisée. Mais face à leur détermination et à l’aggravation de leur état de santé, leur porte-parole et leurs avocats sont parvenus à un accord avec le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) et l’Office des Etrangers.

Les grévistes ont accepté d’arrêter leur action au bout de 55 jours après avoir obtenu l’annulation des décisions négatives rendues à leur encontre par le CGRA, l’instance compétente pour l’examen des demandes d’asile. Au final, sur les dix-huit, seuls les cinq provenant de la province du Nangarhar ont obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire. En effet, pour ces derniers, le CGRA a estimé, au vu de la réévaluation de la situation en Afghanistan, qu’ils provenaient d’une région à risque. A l’inverse, les autres provenant notamment de Kaboul et de Mazar-e-Shariff n’ont obtenu qu’un titre de séjour d’un an pour raison médicale, le risque n’étant pas caractérisé dans ces régions d’Afghanistan selon le CGRA. Ce dernier s’est tout de même engagé à poursuivre l’examen de leur demande d’asile après réévaluation de la situation dans leur région d’origine. Rien ne permet de dire s’il leur accordera ou non le bénéfice de la protection subsidiaire à l’issue de cette réévaluation. En effet, le CGRA qualifie de manière très restrictive les situations relevant de la protection subsidiaire.

Une application très restrictive de la protection subsidiaire

La loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, telle que modifiée par la loi du 15 septembre 2006, prévoit le statut de protection subsidiaire. Selon l’article 48/4 §1 de ladite loi, cette protection est accordée au demandeur d’asile, à titre subsidiaire, lorsqu’il ne peut bénéficier ni du statut de réfugié tel que défini par la Convention de Genève de 1951 ni d’un titre de séjour pour raison médical en vertu de l’article 9ter de la loi belge du 15 décembre 1980. Par ailleurs, il doit y avoir de sérieux motifs de croire que si le demandeur d’asile était renvoyé dans son pays d’origine, il encourrait un risque réel de subir des atteintes graves pour sa vie [1]. Sont notamment considérées comme de telles atteintes « les menaces graves contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international » [2].

Sur l’appréciation du risque, le CGRA estime, concernant un retour dans certaines régions d’Afghanistan, qu’il n’est que potentiel et non réel. Pour qualifier ce risque, il se réfère à la région d’origine de l’intéressé et au nombre de morts. S’agissant de ce dernier point, l’évaluation du CGRA est très loin de refléter la réalité. En effet, la méthode utilisée pour ce décompte macabre, dite de « surveillance passive », ne permet pas d’évaluer de manière objective, ni même scientifique le taux de mortalité effectif dû au conflit en Afghanistan.

Cette méthode se base uniquement sur les chiffres donnés par les quelques ONG qui se trouvent sur place, par les autorités locales et par la presse. Selon une étude menée par l’école Bloomberg de Santé publique de l’Université Johns Hopkins dont les résultats ont été publiés dans la revue médicale britannique « The Lancet », cette méthode n’a pas permis d’enregistrer plus de 20% des morts recensés par les méthodes épidémiologiques [3] lors du conflit irakien [4]. Concernant l’Afghanistan, aucune étude épidémiologique n’ayant été menée, il n’existe pas d’évaluation fiable du nombre de morts. Il est clair que les chiffres récoltés par la méthode passive en Afghanistan sont très éloignés de la réalité, le rapport serait de 1 à 10 « entre le nombre de victimes dénombrées par la surveillance passive et le nombre réel de victimes du conflit » [5].

A l’heure où « le nombre de victimes parmi la population civile d’Afghanistan atteint un taux alarmant », où le porte-parole du ministère de la Défense Afghan déclare que « cette année est la plus sanglante que l’Afghanistan ait connue » , le CGRA refuse d’accorder une protection aux Afghans au motif qu’il n’y a pas assez de morts dans leur région d’origine.


[1] Article 48/4 §1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, modifiée par la loi du 15 septembre 2006

[2] Article 48/4 §2, op. cit

[3] « La méthode épidémiologique est une pratique courante largement acceptée par la communauté scientifique. Elle est utilisée dans le monde entier pour mesurer les données démographiques telles que les taux de natalité et de mortalité à la suite de catastrophes naturelles et humaines. Elle est notamment utilisée par la Nations unies pour estimer le taux de mortalité de dizaines de pays chaque année. C’est cette méthode qui, notamment, a estimé à 200.000 le nombre de morts au Darfour, chiffre abondamment cité et considéré comme fait établi », Caroline Pailhe, chargée de recherche au GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité), « Analyse de la méthode d’évaluation retenue par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides pour évaluer le nombre de morts dans le conflit afghan », 12 octobre 2007.

[4] Gilbert Burnham, Riyadh, Shannon Doocy, Les Roberts, « Mortality after the 2003 invasion of Iraq : a cross-sectional cluster sample survey », The Lancet, 11 octobre 2006.

[5] Caroline Pailhe, op. Cit.




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