Les Roms d’Istanbul participent...merci l’Europe ? Avec le soutien des organisations non-gouvernementales, le projet de renouvellement urbain dans le quartier de Sulukule veut impulser des nouvelles dynamiques dans sa mise en œuvre –en particulier de concertation et de décision avec l’ensemble des acteurs. Tous rêve de pouvoir « exposer » le succès du projet pour l’événement « Istanbul Capitale Culturelle de l’Europe 2010 ». Après une semaine de mission avec Human Settlement Association (Insan Yerlesimleri Dernegi), premières interrogations et tentatives de décryptage. Quelle logique de projet ?Situé sur la péninsule historique, le quartier rom de Sulukule fait partie du patrimoine mondiale de l’UNESCO. La loi « rénovation pour la protection et l’usage des biens historiques et culturels détériorés » (juin 2005) classe ce quartier comme zone de renouvellement urbain. L’objectif de cette loi est de restaurer l’héritage architectural en le préservant sous la responsabilité des municipalités. Cette désignation est ensuite étudiée par le Conseil des Ministres. Il revient enfin aux municipalités d’exécuter leur projet validé ou de le déléguer à toute personne morale. Pour le quartier de Sulukule, la municipalité de Fatih (arrondissement d’Istanbul) délègue les opérations de constructions à l’agence pour le développement du logement (TOKI) (juillet 2006). Par ailleurs, le Conseil des Ministres vote la décision d’expropriation d’urgence (décembre 2006). Cette décision s’applique dans des cas bien particuliers –c’est-à-dire dans des situations soit de défense nationale soit d’urgence (tremblements de terre). Première question : Quelle est la légitimité de cette décision d’expropriation d’urgence ? Sulukule, est-ce un quartier historique qu’il faut préserver au mieux ou est-ce un quartier insalubre qu’il faut rénover (ici détruire puis reconstruire) au plus vite ? La menace de l’UNESCO approche. La municipalité de Fatih, elle, veut faire vivre ce quartier historique en délogeant, sans ses habitants vivant ici depuis des générations. Quelle éthique de projet ?A un moment où le projet proposé par la municipalité de Fatih semble être approuvé (officieusement) par le conseil de renouvellement urbain, la situation ne doit pas être jugée critique. La mobilisation des militants et de Human Settlement Association ne s’essouffle pas –loin de là. Les réunions officielles entre les habitants, l’ONG, la mairie et le conseil de renouvellement urbain ont lieu au grand jour et pointent les dysfonctionnements opérationnels du projet : à Istanbul, à Bruxelles [1]. Une commission d’enquête va être crée pour ce projet –décision prise lors de la dernière réunion au Comité de l’événement « Istanbul Capitale Culturelle de l’Europe 2010 » (6 novembre 2007). La pression est sur les élus et leur mode de travail : ils se vantent d’un projet participatif avec les habitants. Précision : il s’agit lors de rendez-vous individuels à la mairie d’intimider les habitants pour qu’ils acceptent de vendre leur maison. Si le prix proposé ne les séduit pas, on s’empresse de leur trouver un acheteur plus généreux –et ceci facilement. Sous la menace de la décision d’expropriation d’urgence, quelques habitants sont tombés dans ce piège. Ils regrettent aujourd’hui. Le quartier de Sulukule est devenu aussi un lieu de spéculation foncière [2]. Deuxième question : en quoi ce projet est-il social, le plus social qu’il soit, comme le prétend le maire de l’arrondissement de Fatih ? Absence de participation des habitants. Intimidation et manipulation des habitants. Et n’évoquons même pas les risques certains d’appauvrissement de cette population déjà fragile économiquement après ce projet. Du droit à la ville vers les droits de l’Homme« Restons mobiliser ! », clame Sükrü Pündük, président de l’association pour la solidarité et le développement de la culture rom de Sulukule, de retour de Bruxelles. Cette conférence sur la protection des minorités dans les dynamiques de transformations urbaines est un succès ! On retient une chose : « le maire de la municipalité de Fatih a dit, on va travailler ensemble pour ce projet ». Il s’est même empressé de rentrer plus tôt et de faire une visite à Sulukule pour le dire. Premières distributions de denrées alimentaires dans le quartier. Du jamais vu malgré les diverses requêtes. « Il ne faut pas se laisser manipuler », rappelle le président de l’association, « ce n’est pas une solution ». Bien sûr que non. Deux nouveaux procès s’annoncent prochainement pour l’arrêt de la décision d’expropriation d’urgence et pour celui du projet. Un déplacement est prévu la semaine prochaine à Ankara à l’assemblée nationale à la commission des droits de l’homme. Le parlement européen prévoit aussi d’envoyer un avocat en ce sens. Troisième question : cette mobilisation doit-elle s’orienter vers les droits de l’Homme ? La lutte contre ce type de projet ne doit-il pas unir sans jouer des appartenances identitaires et culturelles pour un idéal de ville ? Que répondra-t-on alors à un habitant qui dit : « j’ai du quitter ma région pour chercher du travail, venir m’installer à Istanbul et on est en train de détruire mon toit... » ? « Désolé, tu n’es que turc ». Pour en savoir plus : Rapport préparé par Hamdi Gargin (Observatoire Urbain d’Istanbul) pour la Conférence au Parlement européen à Bruxelles (8 novembre 2007) –disponible prochainement dans Electroui sur le site de l’IFEA/ Observatoire Urbain d’Istanbul [1] le 8 novembre 2007, une conférence a eu lieu au Parlement Européen à Bruxelles à l’initiative des groupes de Verts et du député Joost Lagendijk sur le thème : « Istanbul face aux projets de renouvellement urbain. Le cas du quartier de Sulukule dans la péninsule historique ». [2] il faut savoir que dans les quartiers voisins, les terrains et les maisons sont 5, 6 fois plus chers. |
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