Istanbul : quand la météo influence les rassemblements...parlons d’autre chose ! Le samedi 16 février, la tombée de neige matinale sur Istanbul annule le rassemblement des associations de quartiers dans le bidonville d’Ayazma en ruine prévu depuis deux semaines. Ce n’est que reporté au week-end prochain ! En attendant la météo clémente, Istanbul continue de détruire sa mémoire, son Histoire... Au début du mois de janvier, la plateforme de Sulukule prépare et remet un dossier dans l’urgence au conseil de protection des biens culturels et naturels pour éviter la disparition de l’architecture locale : 85 maisons sont alors diagnostiquées et proposées pour être inscrites sur la liste du patrimoine à protéger. Pourtant, les démolitions continuent. Depuis la visite du député européen (Joost Lagendijk) le samedi 9 février, 9 maisons ont été démolies. Depuis ce week-end, les militants de la plateforme s’agitent autour des outils juridiques, car le tour est venu à une maison inscrite sur cette liste patrimoniale. Le propriétaire de la maison a vendu la maison à la mairie et les locataires vidaient les lieux ce dimanche. Alors que le fils tenait des propos comme : « je suis pour la démolition de ma maison ! Ce quartier a mauvaise réputation, il doit être détruit ! », sa mère, âgée de 70 ans, avait quitté la maison en sanglots quelques heures auparavant. Elle y était née. Dans leur vie quotidienne, les habitants sont loin des préoccupations patrimoniales et de sauvegarde. Certains d’entre eux partagent même cette « pensée magique », qui attribue un rôle prométhéen aux professionnels de la ville : le projet de renouvellement urbain de Sulukule est la « panacée » ! La destruction du quartier va effacer les problèmes socio-économiques ! Qui viendrait du quartier dans ce contexte protester ou squatter la maison au moment de la démolition ? Il ne faut même pas y songer. La plateforme de Sulukule s’interroge : « faut-il amener la presse ? » Mais une démolition n’a pas d’heure, ni de jour. Cela ne ressemble pas à la visite d’un député européen. Les militants doivent-ils reconnaître qu’ils sont tombés dans leur propre jeu médiatique ? Ils ne pourront pas faire de « bruit » cette fois-ci. La leçon doit être tirée. Comme le dit l’historien Christopher Lasch, « l’expérience historique concrète de tous ceux qui ont essayé d’instrumentaliser les médias de masse à des fins critiques, subversives et révolutionnaires » est que « de telles tentatives sont vouées à l’échec [...] Les militants politiques qui cherchent à changer la société feraient mieux de se consacrer au travail de longue haleine que suppose l’organisation politique plutôt que d’essayer d’organiser un mouvement en se fiant à des miroirs. » [1]
La « victoire » n’est pas à chercher entre les articles de presse ou les reportages télé, la « victoire » n’est pas à chercher dans les tribunaux. Ces fausses victoires n’apaisent que quelques-uns. Vous savez de quelle « victoire » je veux parler, n’est-ce-pas ? Celle qui aurait empêché cette femme de 70 ans de quitter sa maison. Celle qui émane de chacun et qui crée une lutte. Celle qui se révolte et qui crie : « Allons occuper cette maison ! » Demain, la météo est clémente, les grues peuvent sortir. « Au revoir Maison... » [1] Christopher Lasch, Culture de masse ou culture populaire ?, Climats, 2001 |
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