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Belgique / Droit des étrangers /

Le Tribunal qui condamne l’Etat belge pour la détention d’enfants en centre fermé
29 janvier 2008 par Gloria

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Affiche du Tribunal d’opinion

Le Tribunal d’opinion [1] devant lequel l’Etat Belge a été mis en accusation pour le traitement qu’il réserve à des centaines d’enfants innocents dans les centres fermés pour étrangers, a eu lieu les 17, 18 et 19 janvier derniers. Le Tribunal devait se prononcer sur la question suivante : « L’enfermemnt d’enfants dans les centres fermés pour étrangers constitue-t-il une violation de la Convention relative aux droit de l’enfant du 20 novembre 1989 ou d’autres dispositions en matière de droits fondamentaux ? » Le Tribunal a été organisé par des citoyens et des associations engagés dans la promotion des droits fondamentaux [2]. Le but du tribunal était d’exercer des pressions sur les pouvoirs publics pour que la détention des enfants prenne fin. Environs 600 enfants sont détenus chaque année dans les centres fermés en Belgique.

Motivations

Différentes raisons ont poussé les organisateurs à prendre cette initiative.
En premier lieu, l’Etat belge faillit à ses obligations internationales. En ratifiant des conventions telles que la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et la Convention européenne des droits de l’homme, l’Etat belge s’est engagé à respecter les droits fondamentaux des citoyens et plus spécifiquement des enfants, tel que le droit à la liberté, le droit à l’enseignement, l’interdiction de traitements inhumains et dégradants. La Belgique a d’ailleurs été sévèrement condamnée le 12 octobre 2006 par la Cour européenne des droits de l’homme pour la détention en centre fermé et l’expulsion d’une petite congolaise de cinq ans vers son pays d’origine. La Cour a estimé que « les autorités qui ont pris la mesure de détention ne pouvaient ignorer les conséquences psychologiques graves de celle-ci. A ses yeux, pareille détention fait preuve d’un manque d’humanité et atteint le seuil requis pour être qualifiée de traitement inhumain » (Arrêt Tabhita). Malgré cette condamnation, l’Etat belge continue à enfermer chaque jour des enfants. Pour le gouvernement, l’enfermement des enfants n’est pas une priorité. Il n’envisage pas d’y mettre fin, mais prévoit au contraire de construire un centre fermé où seront accueillies les familles, en affirmant vouloir « humaniser l’enfermement ». Pour les associations de défense des enfants et beaucoup de citoyens, ce projet est totalement insatisfaisant : on ne peut humaniser un lieu aussi inhumain ; l’enfermement d’enfants innocents ou la séparation des familles est inacceptable dans tous les cas.
En second lieu, parce que les victimes, les familles enfermées avec enfants, se heurtent à des obstacles considérables lorsqu’elles souhaitent faire valoir leurs droits alors qu’elles sont détenues. Les recours introduits par les familles auprès des juridictions ordinaires ou administratives sont lourds et complexes, peu appropriés et ne donnent que peu de satisfaction, les droits fondamentaux tels que les droits de l’enfant y étant peu protégés. D’autres actions judiciaires, de portée plus collective, n’ont pas abouti ou traînent en longueur.

Composition du Tribunal

Le Tribunal était composé de deux jurys : un jury d’adultes et un jury d’enfants. Le jury international d’adultes était présidé par Monsieur Jaap Doek, président du Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies jusqu’en février 2007. Les autres membres étaient des personnalités à la réputation incontestable, reconnues pour leur engagement en faveur de la protection des droits fondamentaux. [3] Le jury de douze enfants entre 12 et 18 ans, francophones et néerlandophones, était présidé par deux d’entre eux. Ils étaient encadrés par des professeurs ou des éducateurs et par les responsables du projet « What do you think ? » de l’UNICEF Belgique. Ils ont rendu un jugement distinct.

Accusation

L’accusation était soutenue par trois avocats et deux jeunes « accusateurs ». Ils ont rédigé « l’acte d’accusation », reprenant un exposé des faits reprochés à l’Etat belge et demandant au Tribunal d’ordonner à l’Etat belge de mettre immédiatement fin à la détention de tout mineur étranger en centre fermé ainsi que de sa famille, de supprimer ce régime d’enfermement, et de condamner l’Etat belge à réparer le tort causé à tous les enfants qui ont été détenus. Les trois avocats ont principalement abordé, au cours de leur réquisitoire, l’aspect juridique de la question de la violation. Les deux jeunes « procureurs » sont revenus davantage sur les éléments concrets, notamment sur la situation, tant sur le plan matériel que psychologique, vécue par les résidents des centres.

Défense

Le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, compétent dans les matières de migration, ont été convoqués en tant que représentants de l’Etat. Le ministre de l’Intérieur, M. Patrick Dewael a expliqué dans un courrier qu’il ne tenait pas à répondre à la convocation du Tribunal d’opinion, car ce tribunal n’avait pas de fondement légal et qu’il était loin d’être impartial et indépendant. Il a aussi ajouté que « si des alternatives efficaces existaient réellement à la détention des familles avec enfants, elles auraient déjà été mises en oeuvre ». L’Etat belge a donc refusé de se défendre. Il ne s’est pas fait représenter et il a été jugé par défaut, sans recours possible.

Témoins

Plusieurs témoins ont été invités à déposer pendant les deux jours d’audience : Les victimes, ce sont les enfants et leurs parents qui ont été enfermés dans un centre fermé. Les « experts », ce sont des médecins, psychologues et pédopsychiatres qui ont suivi l’état de santé physique et mentale des enfants enfermés, mais également de leurs parents. Les visiteurs, il s’agit de toute personne ayant eu l’occasion de rentrer dans un centre fermé, en visiteur régulier ou non, par exemple un visiteur d’ ONG, un parlementaire, un avocat, un journaliste. Les autres, toute personne ayant été touchée de loin ou de près par une famille détenue ou ayant été détenue dans un centre fermé, tel qu’un parent d’élève qui avait dans sa classe un copain brusquement disparu. Le Tribunal avait demandé au Ministre de l’Intérieur de pouvoir visiter les centres fermés où sont détenus les enfants et leurs familles, mais l’autorisation n’a pas été accordée.

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La lecture des jugements

Jugements

Le Tribunal d’opinion a enjoint la Belgique de mettre immédiatement fin à la détention de tout enfant mineur étranger en centre fermé et de remplacer le régime actuel de détention des enfants mineurs étrangers par un régime alternatif conforme aux normes internationales qui ne fasse pas appel à la détention. Il invite aussi l’Etat belge à mettre sur pied une procédure de médiation permettant aux victimes des centres fermés d’obtenir la réparation des dommages qu’elles ont subis.

Le tribunal des adultes a reconnu que l’article 37 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant n’interdit pas la détention d’enfants mineurs, mais il a précisé dans son jugement que ce même article édicte que cette détention doit n’être qu’une mesure de dernier ressort et être aussi brève que possible, « ce qui n’est manifestement pas le cas dans les centres fermés », a dénoncé le tribunal. Dans son jugement, le tribunal indique que les règles des Nations-Unies pour la protection des mineurs privés de liberté prévoient que les mineurs détenus doivent être logés dans des locaux répondant à toutes les exigences de l’hygiène et de la dignité humaine. Il s’étonne dès lors que les adultes et les enfants sont mélangés dans des dortoirs où la promiscuité inévitable interdit toute intimité et que des enfants peuvent être témoins d’activités sexuelles. Le tribunal rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme, qui a condamné la Belgique en octobre 2006 pour avoir enfermé et expulsé une fillette congolaise de cinq ans, stipulait dans son arrêt que l’enfant avait été détenue dans un centre initialement conçu pour les adultes. Le tribunal des adultes, qui s’est basé sur l’ensemble des témoignages, estime que l’enfermement des enfants mineurs dans des centres fermés équivaut à tout le moins à une incarcération dans une prison qui viole la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

Le tribunal des adolescents a indiqué dans son jugement qu’on ne pouvait rester silencieux face à cette situation et qu’il était urgent de penser à un autre système. « Comment une petite fille peut en arriver à trouver normal de menotter sa poupée », se demande le jury des jeunes . « En Belgique des alternatives pour les Mineurs étrangers non-accompagnés ont été trouvées. Pourquoi ne pas étendre ces efforts aux enfants avec familles ? », rappelle le tribunal des jeunes qui exige la fin de l’enfermement des enfants en centres fermés.

Le Tribunal a exprimé son regret pour l’absence du ministre de l’Intérieur qui en refusant tout débat contradictoire, a privé le tribunal des arguments et des motivations du gouvernement.

Effets de la condamnation

L’Etat belge a été condamné, mais les jugements prononcés sont symboliques et incitatifs. Ils constituent une condamnation morale importante et un moyen de pression sur l’Etat. Ils seront largement diffusés et pourront être invoqués par des associations, des mouvements, des parlementaires ou tout simplement des citoyens qui réclament depuis des années qu’on mette fin à l’enferemement d’enfants innocents. Il s’agit aussi d’un moyen d’attirer l’attention du public, de le sensibiliser, de l’informer sur la problématique de l’enfermement des enfants et des familles dans les centres fermés pour étrangers, de susciter enfin un large débat public, dans les médias, les écoles, les mouvements de jeunesse, ... Les organisateurs ont prévu de réaliser un reportage sur l’ensemble de l’opération et de diffuser un dossier pédagogique, notamment dans les écoles.

Le deux jours d’audience ont été suivi par pas mal de monde, pour la plupart des personnes du milieu associatif, mais aussi des classes du lycée et des personnes sensibles à la question. Après la lecture du jugement, un long applaudissement a rempli la salle, car même si la décision du tribunal n’a pas laissé de place à la surprise, cela a été un moment important pour tous ceux qui se battent depuis des années pour faire valoir les droits des personnes détenues en centre fermé.

Sur le site du Tribunal d’opinion on peut lire les jugements en intégral.


[1] Le Tribunal d’opinion émane d’une initiative privée de divers citoyens ou d’associations citoyenne. Il est indépendant de l’Etat et il est financé par des dons de particuliers et d’associations.

[2] UNICEF Belgique, défénse des enfants International – Belgique, Centre Interdisciplinaire des droits de l’enfant, Coordination des ONG pour les droits de l’enfants (CODE), Kinderrechtencommissaris, Délégué général aux droits de l’enfant, CIRE, Ligue de droits de l’Homme, Liga voor mensenrechten, Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, Association des Services droit des jeunes, L’Ordre des barreaux francophones et germanophones (OBFG), les barreaux de Nivelles, Bruxelles, Charleroi et Liège, Centre Vidéo Bruxelles, la CNE, Radio Centre Montréal, Plate)forme « mineurs en exil »/Platform « kinderen op de vlucht », Jesuit Refugee Service, Beweging « Kinderen zonder papieren », Kinderrechtencoalitie vlaanderen, Ecole des parents et éducateurs, SOS-Jeunes/Quartier Libre, UCL.

[3] Nigel Cantwell, fondateur de l’ONG « Défense des enfants – International » à Genève en 1979 ; Gervais Gatunange, professeur à la Faculté de Droit de l’Université du Burundi, responsable et Président du comité scientifique du diplôme supérieur spécialisé (DESS) en droits de l’homme ; Eugeen Verhellen, professeur émérite de l’Université de Gand et fondateur du Centre des droits de l’enfant au sein de cette même université. Conseiller en matière de droits de l’enfant pour des nombreuses ONG et pour les Nations Unies. Vice-Président d’UNICEF Belgique ; Fatna El Bouih, membre fondateur de l’observatoire marocain des prisons, de l’association INSAF, du centre d’écoute des femmes victimes de violences et active au sein de l’association relais/prison-société dont elle est membre fondateur ; Réginald de Béco, avocat au barreau de Bruxelles, spécialiste en droit pénal et en droits de l’Homme. Président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme ; Geert Decock, avocat au barreau de Gand et professeur de droit pénal et de droit de la jeunesse dans une Haute Ecole à Gand. Agréé comme médiateur familial et très impliqué dans le monde associatif en lien avec la jeunesse.




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