Le SEF, juge et parti L’immigration au Portugal est du ressort politique du Ministério da Administração Interna (Ministère de l’Intérieur) dirigé par Rui Pereira. Mais la mise en pratique de la politique migratoire portugaise est assurée par un service administrativement autonome, le SEF (Serviço de Estrangeiros e Fronteiras), qui s’intègre dans le cadre de la politique de sécurité intérieure du pays. Le Chef de l’Etat français souhaite créer "une juridiction qui s’occupe du droit des étrangers" (le Monde, 8/01/08). Voici l’exemple du SEF, organe juridictionel mais aussi de police, d’administration, de prospective et d’enfermement pour les migrants. Pays de très forte émigration pendant plus d’une décennie, le Portugal, n’avait pas de tradition de contrôle de ses frontières. Assurée par la Direction Générale de Sécurité avant la révolution du 25 avril 1974, le contrôle des étrangers sur le territoire national ainsi que le contrôle fiscale des frontières passe à la révolution sous la direction de la Police Judicaire. La mise en place de ce service de sécurité créé dans l’urgence de la révolution, va alors évoluer. Dès novembre 1974 le Serviço de Estrangeiros – DSE est créé et passe sous le contrôle du PSP Polícia de Segurança Pública, puis, face à l’importance croissante de la sécurité intérieure, le service devient autonome á l’intérieur du PSP. L’autonomie administrative est décidée en 1976 et devint le Serviço de Estrangeiros (SE). Les forces de Sécurité assurent en parallèle le contrôle des frontières. Il faut attendre 1986 et l’entrée dans l’UE pour voir le contrôle des frontières passé sous contrôle du SE qui devient le SEF. En 1991, le contrôle fiscal revient graduellement au SEF. L’intégration à l’Union Européenne est la raison principale de cette réorganisation et entraîne le pays à rénover sa politque, le Portugal adhérant à l’espace Schengen en 1991. Le SEF prend alors part aux négociations de l‘accord, participe à le mise en conformité du support légale. Son importance accrue le SEF se réorganise en 1993 et voit ses moyens humains et matériels augmentés pour permettre son fonctionnement. Malgré l’existence de cet organe spécifique pour contrôler les frontières, la politique des années 90 est plutôt celle du « laisser passer », la demande en main d’œuvre allant de paire avec les constructions que connaît le pays dans cette période. On se souci par ailleurs peu de « l’intégration » de ces populations arrivantes et les bidonvilles et quartiers illégaux se construisent. Malgré des prérogatives importantes, les moyens du SEF ne lui permettent de mener une politique répressive.
L’évolution intervient dans la seconde partie des années 90, poussé par deux phénomènes :
Le but étant de rattraper les autres pays sur un terrain sur le contrôle des populations étrangères. Plus globalement, l’Etat Portugais est relativement faible en terme de moyen et peut difficilement mener de politiques fortes notamment dans le contrôle. A l’image du marché du travail où une partie non négligeable de la population vit dans le système informel ou bien hors du cadre légal. On retrouve en particuler les immigrés légaux ou sans papiers avec une prédominance pour le bâtiment et les services (restauration en particulier). Les phénomènes d’exploitation des populations pauvres et de pression sur les conditions de travail de tous les travailleurs sont importants, l’inégalité la règle. Depuis les années 2000 le cadre légal se renforce, s’accroît, la prépondérance du SEF aussi. les deux grandes orientations sont la simplification des procédures administratives et l’amélioreration de la justice pour les immigrés en règles et le combat contre l’illégalité et les trafics liés. La loi portugaise sur l’entrée, la permanence et l’éloignement des étrangers" reprend dans préambule son aide aux victimes de trafic humain (traité de Genève) le rappelle dans le premier article puis dans des articles suivants. Cependant, à l’encontre de sa loi, et bien que les autorités aient jugé les 23 marocains victimes des réseaux et des passeurs, le SEF mène une procédure d’expulsion pour donner l’exemple et ainsi ne pas lancer d’appel aux migrants transitant essentiellement via l’Espagne . On peut donc douter de la sincérité de l’organe chargé de l’appliquer. Tiré de son site Internet, voir en infra la traduction des compétences, missions et attributions du SEF. [1] Le SEF cumule donc des forces de proposition, de contrôle, de jugement, de police, ce qui ne va pas sans poser de problème avec les autres autorités. L’enfermement est aussi de son ressort. Le SEF gère les centres de détentions appelés CIT (centro de instalação temporária). Il dispose de 4 centres près des aéroports à Faro, Porto, Lisboa et aux Açores. Le SEF les présente comme des bâtiments permettant un haut respect des conditions des dignités humaines dans les meilleurs d’Europe. Il convient cependant de rappeler que le CIT de Porto avait été fermé en 2005 suite à un reportage de la SIC montrant les conditions précaires du centre avant d’être transféré dans le centre éducationnel de San Antonio. En 2006, le CIT de Lisboa avait subi le même sort avant d’être reconstruit, il est devenu une fierté, un page web du SEF lui est même dédié, avec une visite vidéo… C’est beau une prison la nuit… il y a même des oursons sur les lits des enfants avant de repartir… Cela ne fait pas oublier les questions sur la légitimité et la légalité de ces centres, le manque de transparence et d’accès aux CIT par les associations, l’absence de contrôle, la séparation des adultes et des enfants, la criminalisation d’une population, les règles de vie dans le centres, les déficiences au niveau de l’aide juridique, de la traduction. Cette indécence de montrer la modernité des lieux comme pour un hôtel à touriste, fait partie de la conscience collective et de l’image véhiculée par les autorités : le Portugal est un des pays intégrants le mieux ses immigrés en Europe avec de nombreux programmes et de projets financés (voir la Mapa de Boas Práticas de Acolhimento e Integração de Imigrantes) , que le taux d’emploi des immigrés est très élevé… Le Portugal dispose même de centres de détention haut standing… Certes… Mais dans un pays de très faible salaire, avec un marché du travail qu’en terme libéral on pourrait appeler « fluide » (peu contrôlé donc permettant l’exploitation) ; Avec une sectorisation spatiale des populations très forte ; Avec un racisme latent de la population venant tout droit des conceptions Salazaristes imprégnées de christianisme, de luso tropicalisme perverti et de fascisme qui tend à dire « bon on est tous frères, mais quand même il y a trop de noirs et les brésiliens sont des feignants et on évite de se mélanger car sinon ce n’est plus le Portugal…mais la musique du Brésil c’est quand même vachement bien ». Le SEF ne mène pas une politique répressive aussi forte qu’en France, mais apprend, augmente les contrôles, expulse (72 000 expulsions entre 1992 et 2005 ? j’ai du mal à trouver des chiffres récents sur la question) et met en place les bases de politiques plus dures au besoin. La politique actuelle gouvernementale est de régulariser par le travail… le pays a besoin de mains d’œuvre peu qualifiée et les portugais partent nombreux trouver des salaires et des opportunités à l’étranger. La seule part de l’immigration attaquable est donc l’immigration « illégale ». La loi 2007 et les orientations politiques du SEF sont là pour là pour le rappeler . Sources :
[1] Le SEF a pour mission l’exécution des politiques d’immigration et d’asile du Portugal en accord avec la constitution, la loi et les orientations du Gouvernement. Les objectifs du SEF sont : le contrôle de la circulation personne aux frontières, le contrôle des permanences et des activités des étrangers sur le territoires nationale, l’étude, la promotion, la coordination et l’exécution des moyens et actions en relation avec les activités précédentes et face aux mouvements migratoires. Le SEF agit aussi comme une organe de police criminelle sous la direction et dépendance fonctionnelle de l’autorité judicaire pour des actions déterminées et des actes délégués par l’autorité. Les attributions du SEF : Nationales : Surveiller et contrôler :
Au plan international :
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