Laurence, une reconversion affinée

Même au plus fort de la crise sanitaire, Laurence a continué à servir sur un plateau de Terroirs du Brie à la truffe, du chèvre Mothais ou de la boulette d’Avesne. Dès la porte d’entrée de son commerce, tous ces parfums mettent l’eau à la bouche et si en plus vous voulez des œufs ou du beurre frais, du miel ou de la moutarde de Seine-et-Marne, vous serez comblés. Laurence propose plus de 200 fromages dans sa boutique, mais elle n’en connait pas tous les secrets car les terroirs, les producteurs sont très nombreux et surtout le fromage est un produit vivant.

Il y a quinze ans, Laurence ouvrait cette fromagerie. Jusqu’en 2006, elle travaillait dans la grande distribution, où durant quinze ans elle a gravit tous les postes, d’apprentis à chef de département jusqu’à la fonction d’acheteuse en centrale, mais elle a frôlé le burn-out, « j’étais trop loin du terrain, de la réalité de la production. Je ne négociais pas un produit mais un prix. Je culpabilisais ».

 

La crise de la quinzaine, un choix réfléchi

Encouragé par son mari, la fromagerie était une évidence. « J’ai toujours voulu tenir un commerce alimentaire, une façon de me rapprocher de mes origines. Je suis de Picardie ou mon père dirigeait une coopérative agricole ».

Elle a muri sa reconversion. En fine gestionnaire, elle n’a pas lâché la proie pour l’ombre. Elle a d’abord suivi des stages sur ses RTT, puis une formation au Syndicat des fromagers pour enfin prendre un congé pour création d’entreprise. « Cela a rassuré mon banquier, car si j’échouais mon employeur devait me reprendre ». Au bout de deux ans d’efforts, elle a officiellement démissionné et ouvert son commerce, « c’était le 5 décembre 2005, il pleuvait mais pour moi c’était une journée de libération ».

les fromages sont exposés par familles de produits
à gauche les fromages, du chèvre au comté, au fond le lait, les oeufs, le beurre et les crèmes

La proximité, une évidence

Laurence habite Chelles en Seine-et-Marne, à vingt kilomètres à l’Est de Paris. À l’époque, le commerce de centre-ville faisait grise-mine, « il y a quinze ans le commerce de proximité était pauvre. J’ai discuté avec les commerces existants et j’ai aussi été bien accueilli par la mairie. » Et là encore, il lui a semblé évident de s’installer dans sa commune forte de 56.000 habitants, ville la plus peuplée d’un des plus grands départements de France.

« j’étais trop loin du terrain, de la réalité de la production. Je ne négociais pas un produit mais un prix. Je culpabilisais ».
Laurence Brisoux
Laurence Brisoux, Fromagère

Circuit court, le crédo de Laurence

Pour redynamiser ce commerce de proximité, Laurence a mis toute son énergie et plus encore. Elle a senti un mouvement qui aujourd’hui parle à tout le monde, elle a initié le circuit-court, « les producteurs qui travaillent avec la grande distribution ne m’intéressent pas, c’est rédhibitoire. » Laurence veut avant tout un lien avec le produit et un lien humain. « c’est aussi une façon d’optimiser les prix en réduisant le transport dont le coût pèse de 10 à 15% sur le prix global ». Sa démarche a porté ses fruits, car aujourd’hui les producteurs viennent à elle.

Des oeufs frais calibrés à la ferme

« Laurence est pétillante » résume Stéphane Darche. « « Mon père a livré Laurence dès l’ouverture de son magasin. Elle a la même démarche que nous, de la proximité, des circuits courts et des produits frais ». Cet ancien ingénieur agricole est revenu à l’exploitation familiale il y a 7 ans. « j’ai perdu 8 kilos, mais le matin quand j’ouvre ma porte je suis à mon bureau, ça n’a pas de prix ». Basé près de Coulommiers, il compte 10.000 poules de plein air. « C’est une petite production, nous faisons 2 millions d’œufs par an, c’est ce qu’une plate-forme logistique de grande surface fait en un jour ».

Plus qu’un développement effréné, Stéphane cherche une croissance raisonnée et raisonnable. Ne lui parlez pas des clients Covid et de leur affluence, « ils nous ont vite oublié, nous sommes revenus à nos ventes d’il y a 2 ans et surtout lors du confinement, l’affluence était telle que nous avons perdu des clients fidèles.» 

Susciter des vocations

Laurence a toujours une collaboratrice ou un collaborateur en alternance ou en stage, notamment le VSD jour d’affluence de sa clientèle. C’est une façon pour elle de transmettre ses savoirs. « J’ai toujours eu la volonté de me former et de former. À mon tour je donne quelques cessions de formation au Cidil, le Syndicat des fromagers ».

Désormais, Laurence fait partie des anciens commerçants de sa ville. Pour elle, ceux qui veulent se lancer doivent bien sûr réfléchir à leur démarche mais surtout ils doivent se faire confiance et ne pas écouter les oiseaux de mauvais augures.

Et comme elle veut mettre ses actes en accord avec ses idées, elle a décidé de façon évidente de se lancer dans un nouveau challenge et de s’impliquer plus que jamais dans la vie locale et dans le développement de son tissu économique.

« râler dans son coin ne sert à rien »

en campagne

Laurence se présente aux élections départementales

 « je veux aider celles et ceux qui veulent se lancer, entreprendre »

En campagne

« Râler dans son coin ne sert à rien. J’ai envie d’aider celles et ceux qui veulent démarrer une activité, je rêve de pouvoir monter une pépinière d’entreprises avec des loyers modérés ». Pour soutenir son ambition et atteindre son objectif, elle s’est présentée aux élections départementales. Sa liste n’a pas été qualifiée pour le second tour. Elle digère cette défaite et compte bien poursuivre ce nouvel engagement. Sa détermination reflète bien sa manière d’affiner notre « vivre ensemble » et de partager nos terroirs. 

Laurent Debesse