Sami et ses jeunes camarades afghans racontent avoir traversé treize pays pour fuir leur patrie, tombée aux mains des talibans qu’ils ont combattus. Réfugiés sous un pont au bord du canal de l’Ourcq, ils attendent, autour d’un feu de fortune, d’être accueillis quelque part.
par Marius Caillol
Porte de Pantin, 20e, sous le pont du T3b qui rejoint la station Delphine Seyrig. Sami et ses camarades tentent d’affronter la journée la plus froide de l’année avec un feu de fortune. Mais ce n’est pas le froid qui les inquiète, c’est la police. Voilà maintenant plusieurs semaines que ces réfugiés afghans, fuyant le régime taliban, dorment dans le parc de la Villette et sont régulièrement chassés par les forces de l’ordre. « Allez plus loin », a-t-on répété inlassablement à Sami, épuisé.
Emmitouflé dans un cache-col sombre, Sami est le seul anglophone du groupe, composé d’une dizaine de jeunes, qui s’est réfugié sous ce pont. Venus de la région du Badakhchan, à la frontière du Tadjikistan, ils appartiennent à une minorité de langue farsi qui a combattu les talibans. Après la prise du pouvoir par ces derniers cet été, ces jeunes Afghans ont quitté leur vie pour rejoindre l’Europe. À l’aide de son téléphone, Sami montre leur périple. Treize pays traversés dans l’espoir de jours meilleurs. « On nous a dit qu’en France on pourrait facilement avoir nos papiers. On nous a dit qu’ils aidaient ceux qui avait combattu les talibans. Et quand on est arrivés… on n’a trouvé que le froid et la police. »
« Ils nous tapent et prennent nos tentes »
La stratégie de la préfecture de Paris semble consister à éviter l’installation pérenne d’un camp dans la capitale. « Mais ils ne nous proposent rien, juste ils nous tapent, prennent nos tentes, nous insultent dans une langue qu’on ne comprend pas et repartent ». Joint par Actu-Paris, Ian Brossat, adjoint communiste en charge du logement, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés à la mairie de Paris, indique avoir dénoncé la confiscation des tentes, surtout en période de trêve hivernale. La préfecture, elle, fait valoir la nécessité de faire respecter l’interdiction d’occupation de l’espace public. « Si au moins on nous laissait un endroit où dormir, loin de l’eau. » (NDLR : Les camps ont eu tendance à se masser autour du canal de l’Ourcq.) »
Les associations Pantin Solidaire, Solidarité migrants Wilson, Utopia 56 ont dénoncé, via une tribune dans Reporterre, autant la violence de la stratégie policière contre l’établissement de camps que l’inaction de l’État concernant l’accueil des réfugiés. Les associations tentent aussi d’expliquer aux migrants les démarches nécessaires pour demander l’asile. Sami et ses camarades, eux, ne semblent pas au courant et n’ont plus envie de l’être. « J’ai dit à mes amis qu’on doit quitter ce pays. Si on reste ici, on va mourir », tranche Sami. Le groupe s’est divisé et a quitté le pont. Autour du feu, seuls deux jeunes Afghans sont restés.