Illyana E., une assistante d’éducation mobilisée mais résignée

Illyana Epiphane au départ de la manifestation, place d'Italie à Paris, le 31 janvier 2023. © Pamela Eanga

Assistante d’éducation, Illyana E. est descendue dans la rue à Paris, ce mardi 31 janvier, pour protester contre la réforme des retraites. Sans grands espoirs cependant.

Écrit par Pamela Eanga – Édité par Emmanuelle Cappelli

 « J’ai fait ma première manifestation il y a deux ans. À l’époque, c’était une petite fierté de me dire : “Je gagne de l’argent, je peux me mettre en grève” », se remémore Illyana E., une jeune assistante d’éducation (AED) de 25 ans.  « Aujourd’hui, je suis en grève parce que la réforme des retraites, ça pue la merde », s’exclame-t-elle dans un grand éclat de rire. Coiffée d’un bonnet noir assorti à sa doudoune, elle accélère le pas : elle est en retard. Elle doit retrouver des amis pour cette deuxième journée de mobilisation. Depuis trois ans, cette étudiante en master 2 de sciences sociales, à l’université Paris-VIII travaille également à temps partiel dans un collège du IIIe arrondissement de Paris.

Le gène du gréviste

« Mes parents sont de gauche. Ils ont toujours manifesté contre les différentes réformes des retraites. J’ai grandi en entendant que je n’allais jamais avoir de pension parce que de toute façon “ils” continueraient à repousser [l’âge de départ], et c’est ce qui se passe actuellement », confie-t-elle blasée.  Elle dit avoir hérité du gène de gréviste de son père, préparateur de commandes dans une usine de produits pharmaceutiques, investi au début du mouvement des Gilets jaunes. « Mon père vient d’une famille de militants. Ça se transmet de génération en génération. » 

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« Vie scolaire en colère »

Originaire de Châteauroux, dans l’Indre, c’est en 2019 qu’elle vient vivre à Paris, après des études à Limoges. A la recherche d’un travail, parce que « ça coûte cher d’être étudiant à Paris », des amis assistants d’éducation l’encouragent à postuler et les rejoindre. « Ils venaient de lancer un collectif qui s’appelait Vie scolaire en colère. » Ça a duré deux ans. Pablo, 25 ans, un ami qui défile à ses côtés, confirme : « Elle s’est beaucoup impliquée ». Pour lui, Illyana est une vraie militante qui « se donne à fond et n’hésite pas à faire le piquet de grève ».  Elle avoue aimer son métier qui « n’est pas physiquement le plus fatigant » qu’elle ait fait, mais s’avère « moralement épuisant et financièrement précaire ». Elle gagne 1300 € net par mois en travaillant 33 h par semaine payées 35 h, grâce à son statut d’étudiante.

Illyana retrouve son ami Pablo à la manifestation. Paris, 31 janvier 2023. © Pamela Eanga

« On ne fait pas la révolution avec des manifestations »

La retraite, elle n’y croit pas : « Il y a un truc qui s’appelle Info retraite, sur le site du gouvernement. Tu peux faire la simulation de ta retraite. Et avec ma coloc Anna, elle aussi AED, on s’amuse à faire ça en ce moment. Elle est à temps partiel, à 22 h… Et si elle part à la retraite à 62 ans, elle va gagner 387 € brut par mois. Et moi, si je pars à la retraite au même âge, je gagnerai environ 700 €, des clopinettes !»

« Ce qui m’inquiète vraiment dans cette réforme, c’est de ne pas avoir une retraite digne de ce nom et de ne pas pouvoir finir ma vie dignement »

« Il n’y a pas grand-chose à attendre. On ne fait pas la révolution avec des manifestations », lance-t-elle résignée. « C’est juste cool d’y participer. C’est plus l’occasion de voir pas mal de gens, et les copains par-ci par-là. » D’un air grave, elle conclut : « Ça permet également de visibiliser les luttes et de voir qu’il y a beaucoup de personnes qui sont en désaccord avec ce qui se passe. C’est important. »

AED, qu'est-ce que c'est ?

Photo à la Une : Illyana E. au départ de la manifestation, place d’Italie à Paris, le 31 janvier 2023. © Pamela Eanga