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Espagne / Droits des étrangers /

Un dimanche à Madrid : visite au centre de rétention de Aluche
18 janvier 2009 par Claire

Dimanche 11 janvier 2009, 15h30. J’ai rendez-vous à la station de métro « Aluche », sur le quai de la ligne 5 du métro madrilène, en direction de « Casa de Campo ». J’aurais pu aller manifester contre les bombardements israéliens sur Gaza, ou rester au chaud chez moi, à regarder un film. Mais non. Gabriela, une collègue de la Commission Espagnole d’Aide aux Réfugiés (CEAR) où j’effectue mon stage m’a proposé de l’accompagner au centre de rétention de Madrid.

Je prends le métro et descends à Aluche, comme prévu. Sur le quai je retrouve Gabriela et deux amies à elle, militantes de l’association SOS Racismo. Nous sortons du métro et nous dirigeons vers le centre de rétention. Il nous faut longer une route où le trafic est assez dense, en face d’un grand supermarché Carrefour, en pleine zone commerciale.

Très vite, nous apercevons le centre qui borde la route. Il s’agit d’un bâtiment jaune et bleu, relativement récent. Au premier abord, rien ne laisse présager qu’il s’agit d’un centre de rétention. Puis, en levant les yeux, je m’aperçois qu’il y a des caméras tout le long du mur qui encercle le centre. En observant avec attention, je devine que les fenêtres sont grillagées, derrière les sortes de volets bleus qui recouvrent chaque fenêtre. Quelques vêtements pendent sous ces volets, laissant entrevoir qu’il y a une présence humaine en ce lieu.

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Centre de rétention de Aluche, Madrid

Nous arrivons à l’arrière du centre. Les migrants sans-papiers retenus dans le centre de rétention d’Aluche peuvent recevoir des visites tous les jours de 16h à 19h. Chaque détenu a droit à une seule visite par jour. La personne qui effectue la visite doit se présenter devant le centre pendant le créneau horaire établi, et doit s’inscrire sur une liste. Pas une liste établie par les autorités du centre. Non, les visiteurs doivent s’auto-organiser en constituant des groupes de 10 personnes qui seront appelés à tour de rôle par les policiers. Devant le centre, je vois donc des gens qui s’échangent des bouts de papiers, sur lesquels ils inscrivent consciencieusement leur nom et le numéro de la personne à qui ils rendent visite. Car les sans-papiers retenus sont connus des policiers non pas par leur nom, mais par un numéro qu’on leur a attribué lors de leur entrée dans le Centre d’Internement pour Etrangers (CIE, équivalent du Centre de Rétention Administrative en France).

En ce dimanche, je n’observe pas de désordre majeur dans l’auto-organisation des visiteurs, mais j’imagine que des conflits doivent parfois se créer, car selon la liste sur laquelle on est inscrit, on peut attendre jusqu’à trois heures à l’extérieur du centre, avant de pouvoir entrer. Pas de salle d’attente, pas un auvent, rien. Les visiteurs attendent leur tour dehors, dans la rue. Aujourd’hui la température ne dépasse pas les 5°… Parmi les visiteurs, se trouvent des enfants de 2 ou 3 ans, accompagnés de leurs parents ou de leurs grands-parents.

Après une heure à observer la formation des groupes de 10 visiteurs, je vois enfin un policier sortir du centre : « Qui a la liste n°1 ? » demande-t-il. Quelqu’un lui tend le bout de papier arraché d’un cahier sur lesquels les premiers noms sont inscrits. Le policier appelle : Mr M., n° 104, allez-y, Mme Y., N° 112, vous pouvez entrer… » et ainsi de suite. Il articule : « Rappelez-vous, ici on parle es-pa-gnol, pas africain, es-pa-gnol ! ». J’ai honte d’être européenne.

Le premier groupe de 10 personnes disparaît dans le centre. J’attends une heure supplémentaire avec Gabriela et ses deux amies. Aujourd’hui, les deux amies de Gabriela doivent rendre visite à un Bolivien et à un Gambien retenus à Aluche. Elles sont toutes deux inscrites sur la liste n° 3. C’est enfin leur tour. Elles entrent dans le centre, tandis que je reste dehors avec Gabriela.

Lorsqu’elles ressortent une demi-heure plus tard, lui d’elles nous dit qu’elle n’a pas pu voir le monsieur gambien. « Ils l’ont appelé plusieurs fois au haut-parleur pour lui dire qu’il avait une visite, mais il ne s’est pas présenté. J’ai demandé où il était, si quelqu’un pouvait aller le chercher, et tout ce qu’on m’a répondu, c’est : "Il doit être en train de jouer aux cartes avec ses amis". Ils disent toujours ça quand un homme ne se présente pas. Et quand il s’agit d’une femme, ils disent qu’elle doit être en train de ranger sa chambre. Impossible de savoir si la personne est vraiment dans le centre ou si elle a déjà été expulsée à moins de demander à un autre retenu. Les policiers répondent toujours qu’ils ne savent pas, qu’on n’a qu’à appeler le retenu sur son portable, et qu’on verra bien s’il répond depuis l’Espagne, ou depuis un autre pays… »

Nous saurons plus tard que le monsieur Gambien était bien dans le centre au moment de la visite, et qu’il a ensuite était renvoyé en Gambie, dans les jours qui ont suivi. La militante de SOS Racismo n’a pas pu s’entretenir avec lui et recueillir son témoignage. Encore moins essayer de lui apporter une aide juridique.

En Espagne, les ONG n’ont pas accès aux centres de rétention. Le seul moyen de pénétrer dans un « CIE » est de rendre visite à une personne en particulier, dont on sait (ou présume) qu’elle est présente dans le centre et dont on connaît au préalable le numéro attribué par la police. Les entretiens s’effectuent comme en prison, dans une sorte de parloir, à la vue des policiers.

Des militants comme ceux de SOS Racismo sont en contact permanent avec les associations de sans-papiers et les ONG qui apportent une aide juridique aux étrangers, de façon à être informés lorsqu’une personne se retrouve en rétention. Ils se relaient pour effectuer des visites le dimanche pour essayer d’aider les personnes retenues. Mais aux vues des conditions de visite, l’assistance ne peut être que limitée. L’administration ne facilite pas les données sur le dossier administratif de la personne retenue, bien au contraire.

Nous repartons du centre dépitées. Seules une personne aura reçu la visite d’un membre d’une ONG aujourd’hui. Et elle sera probablement expulsée demain, faute d’avoir reçue l’information à temps pour pouvoir effectuer un recours.




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