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Espagne / Droits des étrangers /

2009, récolte de fraise à Huelva, une nouvelle saison de misère
21 avril 2009 par Alice

Mars 2009, Huelva, province de la région autonome d’Andalousie au sud-ouest de l’Espagne...très loin de l’image touristique de l’Andalousie se déroule une nouvelle saison agricole marquée par la récolte des fraises...c’est autour d’un pôle pétrochimique qui charrie sa pollution sur les kilomètres de serres qui se profilent à l’horizon, noircies par les retombés de la fumée noire qui s’en échappe que sont cultivées ces fameuses fraises, celles que nous pouvons trouver dans les supermarchés européens de mars à juin...la camarosa.

pôle pétrochimique de Huelva et les serres

un système d’exploitation bien rôdé... Outre le désastre écologique, des hectares de serres en plastiques ensuite abandonnés dans des décharges sauvages, des intrants chimiques qui polluent les sols, dont certains sont nocifs pour l’Homme, cette agriculture produit également un drame humain, celui de ces dizaines de milliers de femmes et d’hommes venus faire des 4 coins de l’Espagne, de l’Europe et même du monde pour travailler sous ces serres. Se croisent ici travailleurs-es, avec et sans papiers, avec et sans contrats. Cette année 68 000 personnes ont obtenu un contrat, pour moitié de la main d’oeuvre locale, pour l’autre moitié des étrangers arrivés en Espagne grâce à des contrats spécifiques que l’on appelle contrat d’origine ou "d’origen" en espagnol : ils permettent aux employeurs, en cas de pénurie sur le marché national, d’aller chercher de la main d’oeuvre à l’étranger. A l’aide de syndicats d’employeurs, des recrutements ont lieu directement dans le pays pour la durée de la saison, 3 mois à 6 mois, avec un minimum de droits dans l’encadrement du travail et des conditions de séjour. Pour être sûr de ne pas faire de ces ouvriers de futurs travailleurs sans-papiers, on choisit de préférence des femmes avec des enfants en bas âge, qui ne parlent pas espagnol, choix qui pose dans les familles de saisonniers de graves problèmes. Cette année le Maroc se félicite que l’Espagne renouvelle sa confiance en employant entre 16 et 17 000 Marocaines pour la saison des fraises. D’autres pays comme l’Ukraine ou le Sénégal fourniront aussi une partie des saisonniers des fraises en Espagne.

La "campagne de la fraise" , entendez donc la récolte de la fraise, a lieu chaque année de mars à juin. Le S.O.C, syndicat de journaliers agricole andalous, y est présent chaque année afin d’informer les travailleurs-es saisonniers de la convention collective actuelle que doivent respecter les employeurs. Les difficultés de ce type d’action sont que souvent les saisonniers ne connaissent pas l’espagnol ; ensuite avoir le courage de dénoncer les abus représente un risque majeur : celui de figurer sur la liste noire des personnes à ne jamais réembaucher, et être ainsi privé d’une ressource importante, car pour comparaison la récolte des fraises au Maroc par exemple n’est payée que 5 euros par journée de 10 heures de travail. Evidemment même en dessous des conditions légales espagnoles, cela reste conséquent pour ces travailleuses saisonnières.

Pour récapiptuler, on trouve lors de la saison des personnes migrantes sous ces contrats d’origine et une main d’oeuvre locale : espagnols, étrangers régularisés et sans papiers. Chaque catégorie subit un sous-emploi chronique organisé par l’employeur, il s’agit de les mettre en concurrence permanente pour chaque jour de travail afin de prévenir toute forme de contestation. Lors d’interviews en 2008, de nombreuses femmes en contrat d’origine se sont plaintes de travailler moins de 18 jours par mois (ce qui représente le minimum légal). Les contrôles n’ont pas permis de corroborer ces faits, car les patrons paient les cotisations pour les 18 jours pour ne pas se faire attraper... En outre, ces techniques de mise en concurrence de la main-d’oeuvre sont exacerbées par les divisions communautaires dont jouent les patrons également.

2009 exacerbation des tensions entre travailleurs Sauf que cette année, avec la crise cela devient de plus en plus compliqué de trouver du travail. Un des secteurs les plus touchés, la construction, a donc mis sur le carreau un bon nombre de personnes. Dans ce secteur délaissé par les nationaux, la main-d’oeuvre est constituée majoritairement d’ étrangers avec ou sans-papiers, comme d’ailleurs d’autres emplois pénibles comme l’agriculture. Ces travailleurs désormais inutiles dans le bâtiment viennent donc tenter leur chance à Huelva pour la saison des fraises : la plupart sont originaires d’Afrique, du nord et de l’Ouest de ce continent et vivent en Espagne dans les grandes villes comme Barcelone, Madrid, Zaragossa...certains viennent même de zones plus touristiques où, parait-il le boulot est bien payé, Ibiza ou Paloma de Mayorque.... "C’était connu Huelva et les fraises, il y avait toujours du travail, pas tous les jours un peu, une journée par ci par là, évidemment sans contrat...On était payé 4 euros de l’heure. Je te dis ça c’était il y a 3, 4 ans...Là cela fait deux mois que je suis ici et rien, rien de rien...Tous les matins je me mets sur la route où passent les camions pour aller au champ, personne ne m’a jamais embauché, même pour quelques heures." me raconte Saybou. Palos de la Frontera, village situé prés des serres où l’on voit tous les soirs débarquer les saisonnières après leur travail pour passer un coup de fil à la famille, envoyer de l’argent, faire des courses...D’habitude cela s’anime vers 17h à leur débauche, mais là depuis quelques temps on voit errer toute la journée dans le village de nombreuses personnes en recherche d’emploi...la division est frappante, ceux qui ont du boulot ce sont la plupart des femmes originaires pour la plupart de l’Europe de l’Est, mais aussi du Maroc ; les chômeurs eux sont à l’inverse des hommes et pour la plupart venus d’Afrique de l’Ouest, quelquefois de l’Est de ce continent . "C’est pas normal le gouvernement il devrait d’abord se soucier des personnes qui sont dans le pays. On est là depuis plusieurs années, on nous a régularisé parce qu’on avait besoin de nous pour travailler et ensuite ils vont en chercher d’autres (comprendre les personnes embauchées sous contrat d’origine) alors que nous on est là. Après on va entendre qu’on est là pour toucher le chômage qu’on veut pas travailler". L’idée de faire une manifestation circule pour se montrer visible au niveau des autorités. Le problème est qu’ils sont parfaitement au courant et qu’ils n’ont pas envie ni intérêt que cela change. Les exploitants agricoles ont un pouvoir important, surtout en qualité d’électeurs dans cette région la plus rurale du pays. Saisonniers contre migrants : cette nouvelle division de la main d’oeuvre profite aux employeurs qui tuent dans l’oeuf toute possibilité de contestation des conditions de travail.

chabolas dans la forêt de Palos de la frontera

"On vit dans la forêt" Comment font donc toutes ces personnes pour vivre sans travail, avec pas ou peu d’argent, petites économies du dernier travail ? La réponse se trouve sous des bâches en plastique cachés dans les forêts aux alentours des champs : des "chabolas". Certaines associations humanitaires ou religieuses leur procure de quoi manger, une douche, quelques conseils juridiques...Il existe plusieurs distributions d’aliments par semaine à différents endroits, éloignés de plusieurs dizaine de km les uns des autres. Ce qui entraine des marches sur les bords des routes tout d’abord dangereuses car ce sont des nationales à travers des forêts ou des serres ou les voitures roulent vite ; des personnes sont déjà mortes fauchées. Et bien sûr ces marches sont ensuite épuisantes. la nourriture fournie ne leur permet de ne faire qu’un repas par jour et l’eau est plutôt une denrée rare. La plupart des personnes qui vivent dans ces forêts sont des Africains régularisés pour la très grande majorité depuis plusieurs années. Certains me raconteront leur "périple" depuis leur pays d’origine, Mali, Niger, Libye, Maroc avec son lot de difficultés et de souffrance... Aujourd’hui à bout de nerfs de ce quotidien humiliant, ils me disent que c’est ce qu’ils ont vécu de pire comme situation depuis fort longtemps...

Ce type de situation font penser à Calais où les personnes sont en attente de passer vers l’Angleterre et vivent dans des conditions similaires... sauf qu’ici elles attendent un travail et savent qu’elles sont là pour plusieurs mois, dans cette région, suspendues à la possibilité d’une embauche. il n’y a pas d’espoir pas de rêves d’une vie meilleure, juste quelques heures de travail pour un salaire en dessous du seuil légal. Ici cela fait bien longtemps que les illusions sur l’Europe et ses trésors ont été oubliés...




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