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Haïti / Exclusion urbaine /

La décentralisation haïtienne, mythe ou réalité ?
20 février 2008 par Lucie Co

La décentralisation est inscrite dans la constitution haïtienne de 1987. C’est un thème récurrent dans les conférences et les plans cadres. Les représentants de la coopération française, entre autres, s’appuient sur cette structure pour prôner la coopération décentralisée en Haïti. Pourtant, la décentralisation haïtienne est loin d’être effective. Cet article est le fruit de ma lassitude à écouter les bailleurs internationaux vanter les mérites d’une structuration qui semble parfois imaginaire.

Des municipalités exsangues

Pour commencer, les municipalités haïtiennes sont quasi dépourvues de moyens. Elles ont des budgets ridicules. En 1999-2000, le budget total de l’ensemble des communes de la métropole port-au-princienne était de 2,1 millions d’euros. On peut imaginer la portion congrue attribuée aux missions municipales : services sociaux, salubrité, transport etc. Le potentiel fiscal des citoyens est en effet très modeste pour la plupart des communes du pays. Dans la capitale, c’est la patente (taxe sur l’activité économique) qui forme le principal revenu de la municipalité. Mais l’économie informelle, omniprésente, n’est pas taxée. Par ailleurs, beaucoup de ceux qui en auraient les moyens ne paient pas l’impôt.

Ces collectivités connaissent un fort déficit en personnel. Elles n’ont pas de fonctionnaires territoriaux. La formation du fonctionnariat n’existe que pour la fonction publique d’Etat. C’est-à-dire que chaque maire travaille avec l’équipe avec laquelle il a été élu. Comme les maires font rarement plus d’un mandat, les équipes changent à chaque nouveau passage par les urnes. La légitimité démocratique des maires est assez trouble. Ils ne sont élus en réalité que par une minorité de leurs concitoyens. La désaffection des citoyens haïtiens pour les élections locales est patente. Il faut noter par ailleurs que les dernières élections locales ont eu lieu la même année que les élections présidentielles. Passé ces dernières, très mobilisatrices, les électeurs ont déserté les urnes.

En l’absence de moyens et de personnes compétentes, les mairies ne peuvent pas assurer la coordination des projets sur leurs territoires. C’est la MINUSTAH, Force de maintien de la paix de l’ONU en Haïti, qui organise mensuellement des tables de concertation avec les partenaires institutionnels et les ONG qui agissent sur les territoires communaux. Le poids des maires et des conseils de sections communales est par conséquent quasi nul dans les projets. La stratégie territoriale ne peut que souffrir de cette absence de pilotage.

Les missions des municipalités sont prises dans la toile des compétences ministérielles. Prenons un exemple. A Port-au-Prince, le service de ramassage des ordures a été créé pour agir sur le territoire de la communauté urbaine de la métropole. La communauté urbaine de la métropole n’existe que sur le papier. Les maires des communes de la capitale ne se réunissent pas même une fois par an. Ce service de ramassage des ordures n’est pas financé par les mairies, dont c’est pourtant la compétence mais par le ministère de l’intérieur. Cependant, il est sous l’autorité du ministère des travaux publics. En tout le service de ramassage des déchets a donc trois tutelles, sans compter les mairies sur le territoire desquels il agit. On comprend mieux comment les tas de fatras s’accumulent dans les rues et les ravines en l’absence d’autorité unitaire. Sur le terrain, on voit donc l’Etat et les ONG combler tant bien que mal les incapacités structurelles des municipalités.

Où sont les départements ?

Il existe une seconde entité territoriale en Haïti : les départements. Je dois avouer mon insuffisance sur cette question. Insuffisance dont je refuse de porter l’entière responsabilité. Si les départements étaient présents et leur action visible, j’en saurai sans doute plus…

L’Etat à la traîne

L’Etat haïtien aurait la palme des derniers de la classe mondiaux. Cette insuffisance chronique de l’Etat serait d’ailleurs, d’après certains, à l’origine de la volonté décentralisatrice. L’Etat est à la traîne sur son propre budget : chaque année, il reste dans les caisses du Trésor des financements qui n’ont pas été utilisés. Faute de compétences, de stratégie et d’organisation. Il est donc difficile d’imaginer une décentralisation performante en l’absence d’un Etat capable de distribuer des financements aux collectivités et de contrôler les dépenses et les stratégies politiques pour assurer la péréquation sur le territoire national. Car la question de la solidarité entre les citoyens est essentielle dans un processus de décentralisation. Aujourd’hui, en Haïti, cette solidarité se joue à l’échelle familiale.

Alors j’avoue que quand on me parle de coopération décentralisée, je suis un peu perplexe. Avec qui ? Avec quels mystérieux interlocuteurs et par quelles mystérieuses instances peut-on imaginer mener des projets en partenariat avec des villes à l’autre bout du monde ? Comment des collectivités quasiment sans budget peuvent-elles s’affirmer comme maîtrise d’ouvrage ? Quels choix ont-elles dans les projets qu’on leur propose ? Quelle est la pertinence d’une aide au développement articulée sur le réseau urbain dans un pays à 60% rural ?

Et pourquoi ces questions sont-elles toujours savamment esquivées par les responsables politiques ?

NB : Il est difficile, comme sur de nombreux sujets, de trouver des données fiables concernant la décentralisation. Je me suis appuyée sur les documents produits par le Cadre de coopération intérimaire, le rapport 2005 du PNUD sur Haïti, l’article synthétique de Véronique Dorner sur la décentralisation en Haïti, ainsi qu’un entretien avec Michèle Oriol, sociologue. Cet article est également le fruit de mon expérience, ces mois derniers, avec les institutions haïtiennes dans le cadre de ma mission.




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