Ne m'appelles plus Leyla!

AU KURDISTAN TURC

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Après toute une préparation hivenale dans les montagnes, le printemps est le moment pour les combattants du PKK de reprendre le chemin des combats. L'instabilité géopolitique et les conquètes des Kurdes au nord de la syrie est très mal perçu du coté d'Ankara qui a peur d'une prise de pouvoir de la part des minorités kurdes en Turquie. Ceux ci réclamant une autonomie sur le territoire ou ils vivent depuis des siècles.
L’état Turc impose des couvre feux dans les villes du sud est de la Turquie depuis le 15 Décembre 2015 avec comme objectif d’éliminer les membres du PKK (parti des travailleurs du kurdistan militant pour une autonomie de la région )et du YPG (forces de protections civiles,filiale non officielle du PKK),deux organisations considérées comme terroristes en Turquie.
Rojin-Leyla nous raconte son vécu en tant que femme kurde en Turquie. J'ai mis en parallèle son histoire et les évènements que je viens de couvrir dans le sud-est de la Turquie.

Diyarbakir,le 03-02-2016 : bouquet de fleur dans une maison détruite.

La longue marche de Rojin

Je m’appelle Rojin-Leyla Ogurlu .
Je suis née le 10 Mai 1987 à Mardin au Kurdistan Turc , j’ai 3 sœurs et un frère .
Cette année la, cela fait 3 ans que l'état turc est en lutte armé avec le pkk.
Mes grands parents étaient de culture kurde et ne parlaient que le kurde, mes parents possédaient des terres, des vignes, faisaient du vin .
Nous vivions très heureux dans le cercle de nos traditions.

Nusaybin,le 07-02-2016 :Un 4ème couvre feu vient d'être déclaré dans cette ville qui en a déja subit 29 jours de combats.

Introduction

ROZERIN. Etudiante au lycée,Elle aimait la photographie,dessiner, souhaitait devenir docteur.Cela fait 34 jours que ses parents réclament de pouvoir récupérer son corps resté dans le quartier de sur (diyarbakir) afin de pouvoir l'enterrer.

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« Leyla » ! ,mais qui est donc Leyla ?

Lorsque je suis née, mes parents m’ont nommée Rojin (le soleil de la vie). Ils se sont rendus à la mairie afin de me déclarer mais les autorités leur ont interdit d’utiliser ce prénom kurde, il fallait un prénom turque ou arabe !
Leyla (la nuit la plus longue ) est mon prénom en Turquie.
J’ai 3 ans,ce sont mes premiers souvenirs; je m’appelle Rojin, et je parle kurde.
J’ai 5 ans, c’est l’heure de commencer l’école.Mes parents me déposent, je suis un peu perdue, j’avais l’habitude de courir les champs avec mes parents et mes grands parents, j’ai en moi les chants les traditions du Kurdistan, la joie de vivre. Je me nomme Rojin.
« Leyla ! » (c’est l’heure de l’appel) , je me tourne, je me retourne, qui est Leyla ? une future bonne amie ?
« Leyla » ! ,mais qui est donc Leyla ?
Au bout de quelques minutes, le professeur me désigne comme cette fille ..mais Leyla ce n’est pas moi ! Je suis Rojin !
La classe rit aux éclats, je ne comprends pas pourquoi ils rient, je ne comprends pas leur langage, je suis seule dans la cour , j’entends qu’ils se moquent , j’entends ce prénom qui m’est inconnu..
Ma mère arrive enfin pour me chercher, me sortir de cet enfer, je pleure de toutes mes larmes. Devant mon désarroi, ma mère demande à l’instituteur ce qu’il se passe avec Rojin.
« Rojin !,qui est Rojin ? » lui répond il, « je n’ai pas de Rojin dans ma classe. »
Ma mère me regarde, je lis son impuissance, je lis sa tristesse.
J’ai 9 ans, mes voisins, ma famille mes amis m’appellent Rojin .Je crie, je hurle chaque jour dans la classe de ne plus m’appeler Leyla ! Je suis Rojin.
Chaque matin mes parents m’habillent comme une fille de Turquie .Je dois faire attention chaque jour à comment je parle, comment je me comporte, comment je m’habille . Je ne dois faire aucune erreurs, c’est trop risqué pour ma famille.

Diyarbakir,le 05-02-2016 :Les habitants du quartier de sur ont fuit les combats pour se réfugier dans les faubourgs de la ville,certains vivent jusqu'à 7 familles dans des appartements de 3 pièces

Diyarbakir,le 11-02-2016 : Certains habitants ne veulent pas quitter le quartier ou n'ont tout simplement pas la possibilité de.

mais qui est donc Leyla ?

Diyarbakir,le 03-02-2016. Le quartier ayant été bouclé pendant une semaine par les autorités afin de rechercher des caches d'armes.
Les forces armées turques donnent une journée aux habitants afin d'évacuer leurs biens avant de refermer cet endroit.

Chapitre 2

2 jours pour partir!

Les problèmes entre les kurdes et les Turcs ne font que s’amplifier. Un soir, la police rentre dans notre maison et arrête mon oncle engagé en politique pour la défense de la culture du Kurdistan .La police nous donne 2 jours pour faire nos bagages et quitter la région sans quoi ….
Ici tout le monde à peur, les histoires de tortures et d’exécutions sommaires sont nombres.
Mon oncle restera en prison pendant 22 ans et y décèdera.
Nous sommes partis sur la cote ouest de la Turquie à Izmir en abandonnant nos racines, nos vies , notre culture. Mon père avait un peu de famille dans cette ville, il nous a proposé une pièce de son appartement que nous occuperons pendant 10 ans .Ma mère n’a jamais trouvé d’emploi à Izmir et mon père est devenu employé dans une usine de tabac.

Diyarbakir,le 03-02-2016 : Les habitants fuient le quartier historique de sur.

Diyarbakir,le 11-02-2016 :Destruction du quartier de sur suite aux combats entre l'armée et le PKK.
 

CARTE DE LA TURQUIE

chapitre 3

YPG. Le YPG est une force de protection civile composée à 40% par des femmes.

Chapitre 4

« tu t’appelles Rojin ? tu es Kurde ? »

Ici ,à l’ouest de la Turquie, je m’appelle Leyla , si je dis que je m’appelle Rojin, on ne me parle plus. Dans un café lorsque l’on me demande comment je m’appelle, je ne sais jamais quoi répondre, je suis perdue.A chaque fois que nous allons rendre visite à mon oncle en prison, on m’appelle Leyla.Je ne sais plus. Lors des nombreux contrôles de police, je dois cacher que je suis Kurde, je dois toujours faire attention, je me dois de cacher mon accent kurde, je me dois d’apprendre à devenir une vraie Turque.
Mon frère, Lehat, ne supporte plus cette oppression, il ne veut plus se cacher, il veut vivre sa culture, sa véritable identité, ses racines. Il décidera de rejoindre le PKK .
J’ai 14 ans, mon frère vient de mourir en combattant l’armée turque. C’est assez, je me dois d’être fidèle à ma famille et à ma culture, je ne m’appelle pas Leyla mais bien Rojin ! je suis kurde ! Il est temps pour moi de vivre qui je suis, je me sens incomprise, mes camarades m’excluent : « tu t’appelles Rojin ? tu es Kurde ? »
Fidèle à nos traditions, je me fais percer le nez, je m’habille désormais comme une kurde!

Nusaybin,le 07-02-2016:les pavés ont été démontés pour construire des barricades afin de se protèger des tirs de l'armée Turque.

Gunduz était ouvrier dans une usine de plastique,ils étaient marriés depuis 1 an.Il était parti chercher des vetements pour sa soeur.Cela fait 24 jours que sa femme réclame de pouvoir aller chercher son corps

Diyarbakir

J’ai 18 ans je rejoins l’université de Diyarbakir dans le Kurdistan Turque .Mes amis partent les uns après les autres rejoindre le PKK ou le YPG ( force de protection civile ) , aujourd’hui l’histoire se répète à Diyarbakir , mes amis décèdent dans les combats contre l’armée turque qui nous considère comme des terroristes, ou contre Daesh en territoire Syrien. Dans la vieille ville de Diyarbakir considérée comme le cœur du Kurdistan les familles sont expulsées, la ville est détruite mais nous résisterons! Peu importe que nous gagnions ou perdions, notre seul but est de résister. Nos combattants vont descendre de la montagne ou ils se sont entrainés tous l’hiver, nous lutterons, nous sommes prêts , notre génération à grandie sous l’oppression etles brimades,nous sommes habitués à la mort, nous n’avons pas peur.
Spring is coming..

Diyarbakir,le 06-02-2016 :

Chapitre 5

Crédits

Merci Duygu, sans toi ce travail n'aurait jamais existé, une relation est née à diyarbakir pour la vie. Ne jamais abandonner...(fixeuse)

Rojin...j'ai vu ton visage replonger dans ton enfance..merci de ta confiance et de t'être confiée.A très vite!

Merci à Gilles COLLIGNON,Lorenzo VIRGILLI,Judith RUEFF,François LONGERINAS et Henri pour leurs efforts, leur patience...grâce à vous ce peuple trouve un espace de parole.


Dernière information du 18-02-2016 : Près de 200 personnes sont bloquées dans des sous-sols dans le district assiégé du quartier de sur à Diyarbakir et pourraient être massacrées à tout moment
Le journaliste de l'agence DIHA : Mazlum Dolan ,fait partie des personnes bloquées et prévient que Les soldats turcs annoncent au haut parleur qu'ils vont les tuer : "Nous allons vous bombarder, vous allez tous mourir". Nous rappelons qu'ils ont mis ce type de menace à execution à Cizre et qu'ils ont executé / brûlé vifs 158 personnes au mois de janvier 2016.
Mazlum Dolan appelle la population à leur venir en aide,à ne pas les laisser mourir, il y a actuellement 9 personnes blèssées dans un état critique,des enfants,des bébés,ils n'ont ni eau ni nourriture..
Le soulèvement de la population donnerait une occasion sans pareil aux autorités de tirer sur la foule et réaliser un génocide sans pareil...

Crédits

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