La neuvième planète : entre réalité et fiction

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La neuvième planète : entre réalité et fiction

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L’histoire de la planète X

Elle fait rêver les enfants, fantasmer les théoriciens de l’apocalypse et elle est l’objet de recherche de nombreux astronomes. Jamais observée jusqu’ici, la planète X resterait cachée dans notre système solaire. Les premières spéculations sur cette hypothétique planète datent de 1846, suite à la découverte de Neptune. Au début du XXe siècle, Percival Lowell entreprend des calculs approfondis sur cette planète et la nomme « planet X ». Convaincu de l’existence de Martiens, l’astronome amateur attribue de prétendues irrégularités dans l’orbite d’Uranus à l’action d’une planète invisible située au-delà de Neptune. Si l’hypothèse est aujourd’hui définitivement invalidée par la communauté astronomique, son concept a traversé les âges. Présente dans de nombreux livres d’astronomie pour petits et grands, l’appellation « planète X » est devenue un terme générique pour désigner une planète inconnue du système solaire externe. Associé à la planète Pluton au milieu du XXe siècle, le terme est à nouveau utilisé dans les années 2000 pour désigner les prétendues planètes Perséphone, Tyché ou encore Super Pluton. Elle nourrit également la culture populaire, la science-fiction ou encore la théorie du complot sous le nom de Nibiru, planète de la fin du monde censée provoquer des cataclysmes en 2012.

 

Le son des planètes

Chaque corps céleste émet une onde électromagnétique.
En convertissant celle-ci, on obtient un son.

Texte Introduction

La lunette Arago de l'Observatoire de Paris. Datant de 1850, elle a été mise en service en 1854. C'était à l'époque la plus grande lunette par ses dimensions.

L’hypothèse de Mike Brown et Konstantin Batygin

À l’heure de la recherche d’exoplanètes dans des constellations voisines, la planète X fait un retour remarqué sur la scène médiatique. Dans l’édition du 20 janvier 2016 de la revue The Astronomical Journal, Konstantin Batygin et Mike Brown, des chercheurs américains de l'Institut de technologie de Californie (Caltec), présument l’existence d’une neuvième planète. D’après leur démonstration mathématique, les mouvements perturbés de six objets célestes situés dans la ceinture de Kuiper, au-delà de l’orbite de Neptune, s’expliquent par la présence d’un objet dix fois plus massif que la Terre, peut-être une planète X. « Bien que nous ayons été sceptiques initialement, nous sommes de plus en plus convaincus de son existence en poursuivant notre recherche », explique Konstantin Batygin. Vingt fois plus éloignée que l’orbite de Neptune, qui évolue autour du Soleil à une distance moyenne de 4,5 milliards de kilomètres, sa période de révolution serait de dix mille à vingt mille ans. « Dans les prochains mois, on devrait savoir si la planète a déjà été observée sans qu’on le sache », explique Mike Brown. Surnommé le « tueur de Pluton », Mike Brown est à l’origine de sa rétrogradation au statut de planète naine en 2006. « Il n'y a eu jusqu'à présent que deux planètes découvertes dans notre système solaire depuis l'Antiquité et ce serait, dans ce cas, la troisième. »

 

Texte Introduction2

Chapitre 1




Réalités d’astronomes

Côté français, les astronomes refusent de tirer des plans sur la comète. « On est loin d’être dans les certitudes » tempère Francis Rocard au sujet de l’étude menée par les chercheurs californiens. Pour le planétologue au Centre national d'études spatiales (CNES), « la théorie reste assez fragile car Mike Brown a éliminé pour une raison inexpliquée près de la moitié des astéroïdes étudiés dans cette zone du ciel ». Un scepticisme partagé par Françoise Roques, spécialiste du système solaire extérieur à l’observatoire de Meudon. « Ce n’est pas une découverte. Il s’agit d’un exemple de propriétés possibles mais on ignore dans quelle direction du ciel elle se situe, on ne peut pas la chercher. » Les avis divergent sur la composition de la supposée planète. « Deux possibilités coexistent » pour Pascal Descamps, astronome à l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) de l’Observatoire de Paris. « Avec dix fois la masse de la Terre, une telle planète pourrait être une géante gazeuse ou une planète rocheuse dont le diamètre serait à peu près deux fois celui de la Terre. » Pour Françoise Roques, « il peut s’agir d’une planète complètement glacée ou d’une planète glacée et gazeuse, à l’instar d’Uranus et Neptune ». Mais l’astrophysicienne estime « ces spéculations purement théoriques ». Reste la méthode utilisée par Mike Brown et Konstantin Batygin, considérée comme tout à fait crédible. « En termes mathématiques et numériques, c’est l’étude la plus poussée sur une hypothétique neuvième planète » reconnaît Pascal Descamps. À une nuance près. « La première des choses, et peut-être la plus simple, serait de découvrir si les effets prédits sont observables. Ce serait un argument concret en faveur des conclusions de cet article. »


Une lunette pour y voir plus clair

Les observatoires astronomiques fascinent le public. Leurs coupoles élégantes, leurs lunettes géantes aux reflets cuivrés attirent les foules. Mais les techniques changent avec le temps. Ces instruments d’observation naguère utilisés pour l’observation des comètes, des petites planètes et des étoiles ont été peu à peu déclassés au profit de télescopes plus puissants. Si la planète X est un jour observée de visu, cela sera probablement grâce un puissant télescope. La lunette Arago de l’Observatoire de Paris, conçue en 1850, demeure néanmoins un objet de curiosité et un outil pédagogique.

 

Article 1

Pascal Descamps, astronome à l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) de l’Observatoire de Paris.

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 L’emballement médiatique                        



L’ autre point de friction pour les chercheurs est l’écho médiatique provoqué par cette étude. « La presse s’est emballée, y compris aux États-Unis », remarque Pascal Descamps. « On n’a pourtant pas découvert de neuvième planète » préfère rappeler l’astronome. « Je ne comprends pas vraiment pourquoi ce papier a plus d’impact que celui de 2014 », s’interroge Françoise Roques. « Il n’apporte pourtant pas beaucoup plus que ces études. » Aux yeux de Pascal Descamps, les chercheurs comme l’institut ne sont pas étrangers à cette surmédiatisation. « La sémantique de cet article est intéressante. Le premier mot du titre, “evidence”, veut dire preuve en anglais. On ne retrouve pas ce terme dans le reste de l’article, mais on retrouve régulièrement le mot “hypothèse”. » Pour l’astronome de l’Observatoire de Paris, « l’Institut Caltec, où travaillent les deux auteurs de l’étude, est beaucoup plus affirmatif dans sa communication ».

Chapitre 2

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D'autres planètes dans le système solaire ?



La planète X est-elle vouée à rester une légende de l’astronomie ? « Si ça se trouve, elle a déjà été observée », souligne Pascal Descamps. « C’était le cas pour Neptune, découverte en 1846, mais déjà observée dans les siècles précédents et cataloguée comme une étoile par les astronomes. » Selon les astronomes, rien ne permet d’affirmer l’existence d’un système solaire limité à huit planètes. « On peut détecter des objets du type de la neuvième planète hypothétique, c’est-à-dire des objets éjectés » confirme Francis Rocard. « Pourquoi pas une dixième ? Je ne sais pas pourquoi on se l’interdirait. »









Textes : Romain Huck et Fabrice Jonckheere
Photos et vidéos : Anne Desquins et Fabrice Jonckheere
Time-line : Camille Deutschmann
Édition : Cécile Rigolet

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