Chic et solidaire :
le pari gagnant de Bis Boutique

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Donner à l’économie la même importance qu’au social : c’est le défi que s'est lancé Bis Boutique Solidaire.

Il y a trois ans, cette entreprise a ouvert un magasin de fringues « hype » en plein cœur de Paris. Elle y embauche des travailleurs en grande précarité. Pour eux, c’est une seconde chance.

Suivre la chaîne qui mène les vêtements collectés dans des centres associatifs à leur seconde vie, c'est découvrir le quotidien de ces hommes et de ces femmes.

Bis Boutique Solidaire a ouvert en 2012.

Article 1

Fripe et chic

Paris, 9 h 30, une dizaine de clients attendent devant la boutique une demi-heure avant l’ouverture. Dans la file, des Parisiens discutent avec des provinciaux de passage.

« Quand je viens à Paris, je fais toujours un détour par la boutique. Je suis accro depuis deux ans », confie Isabelle, une trentenaire brune originaire de Bordeaux. Elle poursuit : « Je fais de bonnes affaires et je contribue à une bonne action. Cela vaut le coup d’attendre quelques minutes dans le froid. »

Chapitre 2

Au coeur de Paris

Le choix du quartier donne le ton : la boutique est située dans le Haut Marais de Paris, un des centres de la mode, du « hype », du branché de la capitale. Un gris métallique anthracite, très tendance, couvre la devanture.

Pour valoriser son activité, Bis Boutique Solidaire s’est appuyée sur tous les ingrédients modernes de communication.

Son logo pourrait avoir été créé par le designer Philippe Starck ; son site internet s’apparente aux visuels des grandes enseignes de luxe.

Ce marketing haut de gamme a été rendu possible par des partenariats à titre solidaire avec les agences de communication Le Quatorze juillet, Castor & Pollux et La Mine Paris.

Les salariés, en projet d’insertion, sont donc en contact avec des « bobo » venus acheter vêtements et accessoires « tendance » de seconde main.



Marie et Pierre, originaires d'Alsace, se rendent à Bis Boutique à chacun de leur passage à Paris.

"Chic, vintage et abordable"

Thierry, la quarantaine, barbe de deux jours, habite à deux pas de la boutique. Il a un béret sur la tête, un autre dans les mains. « Je m’en fiche de savoir à qui profite mon achat. J’aime : j’achète. C’est tout. Et puis, je fais de bonnes affaires : ce nouveau béret m’a coûté la modique somme de quatre euros ».

La finalité solidaire de la boutique échappe à de nombreux clients.

Laurent, un client régulier, a d’abord été attiré par le style « chic vintage » et par « le prix très abordable des vêtements de grande marque ». Il n’a pas immédiatement réalisé que l’entreprise avait un « but social ».



 

Texte Introduction

En coulisses

Les vêtements sont disposés à la manière des plus belles boutiques parisiennes.

Chapitre 2

La seconde chance de Serge

Il est 10 h, Serge Bassetto, grand, cheveux blonds mi-longs et chemise lilas, lève le rideau et fait entrer les clients.

Son parcours illustre à merveille l’aventure de la boutique. « J’ai fait de la prison il y a quelques années. » Aujourd’hui, ce cinquantenaire travaille comme encadrant technique et responsable de la logistique.

Cette réussite n’a pas été sans mal : « À la sortie, il n’y avait rien pour moi, personne ne voulait de mon service ». Bis Boutique Solidaire a été pour lui un tremplin, un projet « à point nommé » qui lui a « permis de se réconcilier avec le monde du travail. » Trois ans après, il sait que « c’était le bon choix ».

Serge est encadrant technique. Il a plusieurs casquettes chez Bis Boutique.

Pratique et esthétique

À l’intérieur de la boutique, les vêtements et accessoires sont disposés sur 80 m2. Le rez-de-chaussée est dédié aux femmes, le sous-sol aux hommes et enfants.

La superficie permet d’optimiser la disposition des articles et donne l’impression d’un grand espace. « Ce n’est ni trop grand, ni trop petit. Juste la bonne taille pour démarrer. », explique Serge, enchanté.

La musique accompagne en fond sonore les trois vendeurs, Soony, Adrianna et Haaja, tout au long de la journée.

Adriana s'occupe du rez-de-chaussée.

Article 1

Un fournisseur solidaire

Au 106 rue du Bac, siège national du Secours Catholique, la collecte s'organise chaque jour de l'année, sauf les dimanches et jours fériés.

Cet emplacement, à deux pas du Bon Marché, explique la part importante de vêtements haut de gamme qui sont déposés.

Chapitre 2

La collecte de sacs poubelles

Jean aime son emploi de responsable de la collecte au Secours catholique.

Le Secours catholique ouvre ses portes à 9 h. Tout au long de la journée, on y croise des habitants du quartier ou d'ailleurs venus déposer vêtements et accessoires. Une vingtaine de sacs sont réceptionnés par jour à l’accueil.

« Ici, tout est prévu pour que chaque don arrive dans les meilleures conditions », affirme Jean Larroze, coordinateur au service accueil sous la responsabilité de Valérie Delhommeau.

Une fois collectés, les textiles sont transportés au centre de tri de Bis Boutique Solidaire.

Bis Boutique achète la tonne de vêtements environ 200 euros à l’association.

Marie, directrice des ressources humaines de la boutique, explique que les prix sont fixés « selon des statistiques ». Elle précise que « dans un sac poubelle, seuls 10 à 15 % des vêtement sont réutilisables, en moyenne. »

Assez pour réserver de bonnes surprises dans les sacs de fringues déposés au Secours catholique.

Article 1

Plongée dans le centre de tri

Le centre de tri, situé dans l'arrière-cour d'un immeuble du 19e arrondissement, est le lieu où atterrissent les vêtements collectés dans les différents organismes associatifs.

Une grille sécurisée par un digicode permet l'accès aux camions arrivant du Secours catholique.

Il couvre 700 m2 et est divisé en cinq salles de travail : un espace de réception des textiles, un de stockage, un atelier de tri proprement dit, l'atelier de reconfection des vêtements et le pôle administratif. Ce dernier est divisé en deux espaces, séparés par les casiers des employés : d’un côté, les bureaux de la direction ; de l’autre, un espace de repos pour les salariés.

Chapitre 2

Les employés ont la parole

« Cela fait sept mois que je travaille ici. C’est moi qui mets les vêtements sur les cintres, avant qu’ils partent en boutique. »
Après plusieurs petits boulot, Mohamed retrouve le chemin d'une vraie professionnalisation.

Article 1

«Mon travail consiste à donner envie à nos clients d’acheter nos vêtements.»
Marie est responsable du stock. Son équipe doit assurer le bon fonctionnement du tri des vêtements au cours des différentes étapes du « process ». Elle a également la responsabilité s’occupe de garantir un réapprovisionnement continu en boutique.

Son

Johanna, encadrante contrôle qualité.

«J’étais au RSA. J’ai tenté ma chance et, à force de travail, j’ai eu mon CDD.»




Son

“Tout le monde a le droit à la dignité, à une seconde chance,
un nouveau départ.”

Marie, directrice des ressources humaines, est psychologue de formation et ancienne conseillère de formation au Pôle emploi. Elle accompagne les salariés en insertion sociale et professionnelle.


Quels sont les critères d’éligibilité pour être salarié dans votre entreprise ?
Les bas niveaux de qualification, les sortants de prison, les travailleurs handicapés, les personnes en inactivité depuis un an et celles qui bénéficient de minima sociaux (RSA). Mais ce qui compte, c’est la motivation à rebondir et s’insérer de manière pérenne.

Quels types de contrats sont proposés ?
Les employés signent un contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) de six mois, renouvelable une fois au moins. Avant, nous avions le statut de chantier d’insertion. Sur une base de 26 heures par semaine et 900 euros par mois, les salariés ne pouvaient pas se loger. On a demandé une dérogation pour devenir entreprise d’insertion et les payer 35 heures, sur la base d’un SMIC. On adapte les contrat : un chef de famille monoparentale qui habite loin et a des problèmes de garde peut aménager ses horaires.

Les salariés sont-ils accompagnés, suivis, encadrés ?
Il y a un management particulier. Sur la ponctualité par exemple, nous sommes souples dans les débuts. On a en tête que la personne retournera dans le monde dit « ordinaire » et qu’un employeur lambda sera certainement moins compréhensif que nous. Mais on y va au rythme de la personne. Il faut vraiment faire avec elle.

Combien de temps dure l’accompagnement ?
Jusqu’à un an et plus. On sait que quelqu’un sans logement aura plus de difficultés à trouver un boulot. Surtout si elle a un parcours d’errance d’une année, voire deux. Et puis, certains s’installent, ils ont du mal à quitter l’entreprise. Nous sommes une entreprise d’insertion : dans l’IAE, c’est la dernière marche, le dernier maillon de la chaîne.

Est-ce que la diversité de vos salariés entraîne des conflits dans le travail ?
Ici, c’est anti-discrimination totale. Ça fait deux ans qu’on embauche des publics transgenres : des jeunes homosexuels en rupture familiale, des gens de confessions et de cultures différentes, et cela fonctionne. Tout le monde est sur un pied d’égalité, pas de jugement. On a eu une femmes voilée qui était hyper copine avec des transsexuelles. Il y a une bonne ambiance.

Encadre 4

Un carrefour de parcours

Il est 15 h : retour à Bis Boutique Solidaire. Pendant que les employés rangent les arrivées, les clients sont à l’affût de la perle rare, de la trouvaille qui égaiera leur journée.

Chapitre 2

Le pari de la confiance

Serge décharge les vêtements prêts à être suspendus sur leurs portants.
Il délègue parfois, en toute tranquillité : « Je m’en vais et je fais entièrement confiance à mes vendeurs pour la bonne gestion de la boutique. » Il ajoute : « Ils ont plus à perdre à piquer dans la caisse ». Les salariés de Bis Boutique ont souvent galéré avant de trouver leur contrat.


Adriana, transexuelle, raconte : « Avant, je travaillais dans le monde du spectacle, j'aimais bien me déguiser. Quand j’ai changé de voie et voulu trouver un emploi stable, c’était difficile. Après chaque entretien, on ne m’appelait jamais et là, un mois après, on m’appelle pour me dire que j’ai eu le poste. »


Pour l'équipe de Bis Boutique, les personnes aux parcours mouvementés peuvent retrouver confiance en elles si elles sentent la confiance que l'on place en elles. Adriana se présente comme une personne combattante, mais, dans les moments de découragement, ce soutien a été essentiel :

« Je me suis demandé si j’allais être à la hauteur mais ils ont su me mettre à l’aise en me disant : « On va y aller doucement et t’expliquer comment travailler. »
Adriana est heureuse de sa nouvelle vie.



"Chacun son histoire mais tous au même niveau"

La confiance est consolidée avec le respect des autres. Les employés du magasin ont des parcours très différents, ce qui ne les empêche pas de communiquer et de s'apprécier. Les amis d'Adriana ont remarqué qu'elle a beaucoup changé.


« J’ai vraiment de la chance d’avoir des responsables et des collègues de travail cools. On est là pour travailler ensemble et se parler quand on a des problèmes. On s’entraide. »

Anti-discrimination totale : c'est le mot d'ordre de Bis Boutique Solidaire. Marie, la reponsable des ressources humaines, insiste : "Tout le monde est sur un pied d’égalité, pas de jugement."

Sonny, vendeur à Bis Boutique Solidaire, confie :
"J'ai l'impression que ma vie a repris un certain équilibre et j'en suis content."
Sonny a 21 ans. C'est son premier emploi.



Article 1

« S’adapter aux besoins de chacun »

Bis Boutique Solidaire est une affaire qui marche : « Nous avons un tel succès que nous allons ouvrir très prochainement une autre boutique à Paris », confie Serge Bassetto.
Marie, la directrice de ressources humaines, compte bien « embaucher d’avantage de personne en contrat en CDDI ».
Demain, Bis Boutique pourra s’ouvrir au monde du travail « ordinaire » en construisant « des passerelles, des conventions avec des entreprises ».

Chapitre 2

Crédits

Ce long Format a été réalisé par Daphnée de Morant, Ralph Sittie et Raphaëlle Malaurent. Enquête et rédaction: Daphnée de Morant et Ralph Sittie. Édition: Raphaëlle Malaurent. Crédit photos: Ralph Sittie.
Un grand merci au directeur de Bis Boutique Solidaire Rémi Antoniucci pour nous avoir ouvert les portes, et à tous les employés pour leur accueil chaleureux. Merci au Secours catholique de nous avoir invité dans les coulisses de la collecte de vêtements. Merci aussi aux formateurs de l'EMI-CFD.

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