Depuis 1967, Israël contrôle le Territoire Palestinien en le divisant en trois zones (A, B et C). La zone est sous contrôle palestinien, la zone B est partiellement contrôlée par l’Autorité Palestinienne (AP) et la zone C est sous contrôle total israélien. La Vallée du Jourdain est en zone B et C.

Lors de ma visite dans la Vallée du Jourdain, j’ai rencontré une communauté de bédouins. Avant le début de l’occupation israélienne en 1967 cette communauté nomade de 400 personnes migrait d’une montagne à l’autre jusqu’à ce que les colonies israéliennes les « poussent » dans une vallée. Forcés à se sédentariser, ils étaient alors coincés entre deux colonies dans la village de Jiftlik, vivant dans des conditions misérables. En effet, bien qu’ils vivent sur une nappe phréatique avec un puits, Israël leur interdit l’accès à l’eau. Ils n’ont également pas d’électricité ni le droit de construire et ont très peu de place pour élever leur troupeau.

Le jour de mon arrivée dans la Vallée ils ont reçu un avis d’expulsion des autorités israéliennes car une des colonies veut s’agrandir sur leurs terres. Pas de discussion, ils seront expulsés de gré ou de force dans la semaine qui vient. La communauté venait d’acheter sa réserve de céréales de l’année pour son troupeau. Impossibilité de la transporter, l’investissement annuel est donc perdu.

Les expulsions : Une expulsion par l’armée israélienne en Palestine c’est : la communauté palestinienne reçoit un avis d’expulsion de 30 minutes à une semaine des autorités israéliennes, puis l’armée vient avec des soldats et des bulldozers, chasse la communauté et détruit ses biens. Si un mouvement de résistance s’est organisé autour de la famille ou de la communauté concernée, l’armée interdit l’accès à la Vallée du Jourdain en durcissant, voire en fermant les check points. L’armée n’hésite pas également à arrêter et à frapper ceux qui résistent.

Les colonies : Les colonies s’étendent de la cime des montagnes jusque dans la Vallée, sur des terres palestiniennes. Les colons ont de grandes maisons, des jardins, voire des piscines, l’eau courante, l’électricité, une sécurité sociale et payent un loyer très bas. Les colonies sont également le lieu de productions industrielles intensives. Ce qui donne lieu à une grosse consommation d’eau (Pompent 50% d’eau en plus qu’ils ont le droit, selon le Rapport de la Banque Mondiale), et à une pollution importante. Les colonies ont accès à une technologie de pointe ce qui leur permet d’exporter largement leurs produits, aussi bien sur le marché israélien et palestinien qu’à l’étranger.

Le Mur : La construction du Mur de séparation a également entrainé des pertes de terres agricoles et constructibles considérables, particulièrement au sud de Jenin, au Nord de la Vallée

Travailleurs palestiniens : Les colonies emploient de nombreux palestiniens, restés sans emplois après le vol de leur terres par Israël. Les employés palestiniens travaillent donc sur leurs propres terres dans des conditions misérables : salaires très bas, pas de sécurité sociale, non respect du droit du travail et l’humiliation de travailler pour l’occupant. Les produits sont ensuite vendus ’Made in Israel’ alors qu’ils sont produits sur des terres palestiniennes et par des mains palestiniennes.

Conditions de vie : Les palestiniens vivant en zone C n’ont pas le droit de construire ni de réparer leurs maisons (construites avant 1967). Par conséquent ils vivent en tentes ou dans des cabanes en taules ou encore dans des petites maisons en terre battue en mauvais état. La plupart n’ont pas l’eau courante et ont accès à l’électricité qu’avec des générateurs achetés à Israël. La population de la Vallée du Jourdain, comme celles de l’ensemble des Territoires Palestiniens occupés subissent des incursions militaires, des arrestations, des couvre-feux, les contrôles aux check points, des interdictions pour certains propriétaires d’aller sur leurs terres (Israël considère alors ces terres comme étant abandonnées et se les approprie)

Exemple d’un village, Zbeidat : Lors de mon séjour dans la Vallée du Jourdain, j’ai également visité un village nommé Zbeidat.

A cheval sur les zones B et C, Zbeidat est coincé entre deux colonies. Les 1800 habitants de Zbeidat sont venus se réfugiés dans la Vallée du Jourdain en 1948 après avoir été chassés de leurs terres lors de la création de l’Etat d’Israël. Ce village est en fait un camp de réfugiés mais n’en a pas le statut car le gouvernement jordanien leur a donné quelques terres pour construire des maisons et des exploitations agricoles. Les villageois ne reçoivent donc pas d’aide de l’UNRWA et les terres ont été confisquées en grande partie par l’occupation israélienne à partir de 1967. Tout d’abord, toutes les terres agricoles à moins d’un kilomètre du fleuve Jourdain ont été confisquées et clôturées comme "zone militaire fermée". Puis, en 1968, la colonie Argaman s’est établie sur le haut de la colline voisine. Les colons se sont ainsi appropriés les terres les plus fertiles et deux puits d’eau que les résidents de Zubeidat utilisaient pour irriguer leurs cultures. Puis, lors des Accords d’ Oslo en 1993, une ligne a été dessinée pour délimiter une zone hors de laquelle les Palestiniens ne sont plus autorisés à construire (ni à entretenir les bâtiments déjà existants). Le village n’a aujourd’hui plus de place pour construire et même le projet d’établir un petit terrain de foot sur les terres non cultivables ni constructible est empêché par l’armée.

Les moyens de résistance :
 rénovation et construction de bâtiment (en cachette) : des bénévoles palestiniens s’organisent pour rénover des maisons en zone C au risque de se faire arrêter et de perdre la maison
 manifs et sit-ins de militants contre les expulsions
 organisation de coopératives agricoles afin de pouvoir exporter les produits et d’atteindre le marché palestinien ; de ne pas laisser les agriculteurs dans l’isolement et de mettre à disposition des services aux producteurs (emballage, chambres froides, etc.)
 initiatives pour limiter la dépendance aux colonies
 sensibilisation à la situation dans la Vallée du Jourdain