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Espagne / Droits des étrangers /

En Espagne, la réforme de la loi relative à l’immigration risque de réduire davantage les droits fondamentaux des migrants
13 mars 2009 par Claire

Le gouvernement espagnol a présenté en décembre dernier un avant-projet de réforme de la loi relative aux droits et libertés des étrangers, appelée communément en espagnol « Ley de extranjeria ». Les associations de défense des droits des migrants dénoncent les restrictions des droits que cette reforme entraînera si elle est adoptée en l’état actuel.

Le Conseil des Ministres espagnol a adopté en décembre dernier un avant-projet de réforme de la loi relative à l’immigration. Le texte est actuellement en train d’être examiné par différentes instances consultatives du gouvernement. Une fois que ces différentes instances (le Forum pour l’intégration des immigrants, le Conseil économique et social, le Conseil des Communautés Autonomes, le Conseil d’Etat,…) auront donné leur avis, le Conseil des Ministres se réunira à nouveau pour réexaminer le texte et arrêter le projet de loi qui sera alors soumis au Parlement.

Le gouvernement espagnol a présenté cette réforme comme un passage obligé, et ce pour trois raisons :
  la nécessaire transposition en droit national de plusieurs directives européennes,
  la prise en compte d’une décision du Tribunal constitutionnel, qui a invalidé certains articles de la loi actuellement en vigueur,
  l’adaptation des politiques migratoires au contexte de crise économique.

Cette dernière raison est dénoncée par l’ensemble des organisations de la société civile espagnole qui dénonce le caractère conjoncturel de la crise et la vision à court terme des politiques migratoires mises en oeuvre par le gouvernement espagnol.

Une réforme qui valide la vision utilitariste des migrations promue par l’Union européenne.

Au-delà des évolutions concrètes relatives aux droits des migrants que nous développerons un peu plus loin, il faut souligner que le projet de réforme introduit un changement profond en donnant force de loi aux principales orientations politiques du gouvernement en matière de « gestion des flux migratoires ».

Le projet de réforme introduit en effet un nouvel article (l’article 2 bis) qui reprend la notion d’ « approche globale des migrations » promue par l’Union européenne, entendue comme un ensemble de politiques migratoires jugées indissociables :
  promotion de la migration « légale et ordonnée destinée à l’exercice d’une activité productive »,
  lutte contre l’immigration illégale
  et collaboration avec les pays d’origine et de transit.

Il s’agit d’un changement important car cet article inscrit dans la loi le fait que les politiques migratoires doivent être liées à la situation du marché du travail. Par ailleurs, dans le nouvel article 2 bis, la lutte contre l’immigration illégale, le trafic et la traite des êtres humains sont mises sur le même plan.

Quelques évolutions positives…

En ce qui concerne les droits des étrangers, le projet de réforme apporte quelques améliorations. En particulier, il reconnaît à l’ensemble des étrangers (avec ou sans-papiers) le droit de réunion et de manifestation, le droit d’association, de syndicalisation et le droit de grève (articles 6, 7, 8 et 11). Il s’agit d’une avancée puisque ces droits étaient jusqu’à présent uniquement reconnus aux étrangers en situation régulière.

Néanmoins, il faut souligner que ces droits ne sont étendus que de façon à mettre la loi en conformité avec une décision du Tribunal constitutionnel. D’autre part, l’organisation CEAR minimise la portée de cette avancée en soulignant que si cette restriction avait été introduite en 2003 par le gouvernement de José Maria Aznar, elle n’avait en réalité jamais été appliquée.

L’avant-projet de loi introduit un délai de sortie volontaire du territoire pour l’étranger sous le coup d’une décision d’éloignement du territoire (article 63 bis). Lorsque l’étranger quittera volontairement l’Espagne dans le délai imparti, son interdiction du territoire sera suspendue. (Chaque décision d’éloignement est accompagnée d’une interdiction du territoire d’une durée comprise entre trois et dix ans).

Enfin, une autre avancée concerne les bénéficiaires du regroupement familial, avec l’ajout dans l’article 17 de l’alinéa 4 qui permet au conjoint non lié par le mariage de bénéficier du regroupement familial. L’autorisation de travailler sera également automatiquement accordée aux bénéficiaires du regroupement familial, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent.

… qui ne doivent pas masquer de nombreuses restrictions des droits.

En revanche, l’avant-projet de réforme restreint les possibilités de regroupement familial pour les ascendants à charge (article 17 d)), en ajoutant des conditions qui n’existaient pas jusqu’à présent. Les ascendants devront dorénavant être âgés de plus de 65 ans et seuls les détenteurs d’un titre de séjour de longue durée pourront demander ce regroupement (cinq ans de résidence minimum, alors qu’un an était suffisant jusqu’à présent).

Selon l’Association Pro-Derechos Humanos de Andalucia, il s’agit d’une restriction « gratuite, sans fondement logique autre que le fait de vouloir envoyer un message aux secteurs les plus extrémistes » de la population. (Cf. communiqué de l’APDHA du 22 décembre 2008 en pièce jointe).

En ce qui concerne le droit à l’éducation, l’avant-projet de réforme supprime l’obligation pour les autorités de garantir un nombre minimum de places aux enfants étrangers dans les écoles maternelles (article 9).

L’avant-projet de réforme ajoute également un alinéa dans l’article concernant les mineurs non accompagnés. Cet alinéa spécifie que « le Gouvernement encouragera l’établissement d’Accords de collaboration avec les pays d’origine qui prévoiront la prévention de l’immigration irrégulière, la protection et le retour des mineurs non accompagnés. » En particulier, les mineurs non accompagnés ayant commis une infraction en Espagne ne seront pas protégés de l’expulsion.

Par ailleurs, l’avant-projet de loi alourdit les peines encourues pour infraction à la législation relative à l’immigration. Les amendes pour infractions « légères » passeront de 300 à 500 euros (oubli ou retard dans la communication d’un changement d’état civil, retard dans la demande de renouvellement du titre de séjour,…), les infractions « graves » jusqu’à présent passibles de 301 à 6 000 euros seront élevés à une fourchette comprise entre 501 et 10 000 euros (être en situation irrégulière, travailler sans autorisation de travail,…). Enfin, les infractions considérées comme « très graves » seront passibles de 10 001 à 100 000 euros d’amende, contre 6 001 à 60 000 euros jusqu’à présent (favoriser l’immigration clandestine, employer des travailleurs étrangers sans avoir obtenu l’autorisation,…).

L’avant-projet de réforme ajoute également de nouvelles infractions. Seront considérés comme des infractions « graves » le fait d’occuper un emploi ne figurant pas dans la liste de métiers autorisés, le fait d’employer un étranger à un poste ne figurant pas dans cette même liste, ou encore le fait de « promouvoir la permanence irrégulière d’un étranger en Espagne ».

Les associations dénoncent particulièrement ce dernier ajout (article 53.1 c)), considérant qu’il s’agit de l’instauration d’un délit de solidarité, car selon le texte proposé, « on considèrera qu’une personne promeut la permanence irrégulière quand l’étranger dépendra économiquement de l’infracteur et que l’étranger prolongera son séjour au-delà de la durée autorisée légalement. » Notons que des organisations de la société civile espagnole ont publié un manifeste intitulé « Sauvons l’hospitalité » pour signifier leur opposition radicale à l’ajout de cet alinéa.

Seront considérés comme infractions « très graves », le fait de se marier ou de simuler une relation affective, ou de se constituer comme représentant légal d’un mineur dans un but lucratif ou dans le but d’obtenir indûment les droits reconnus par la loi.

D’autre part, l’avant-projet de réforme prévoit d’allonger la durée maximale de rétention administrative de 40 à 60 jours (article 62.2) et prévoit la suspension du décompte de cette durée maximale pendant l’examen d’une demande d’asile et lorsque l’éloignement de l’étranger est rendu difficile ou impossible pour des causes étrangères à l’administration. Ce dernier motif paraît bien flou et risque de permettre des décisions arbitraires de prolongement de la détention.

Notons qu’un nouvel alinéa inclut comme droit de la personne retenue le droit « à entrer en contact avec des organisations non gouvernementales et des organismes nationaux, internationaux et non gouvernementaux de protection des migrations » (article 62 bis j)). Néanmoins, l’exercice de ce droit reste soumis à la demande de la personne retenue. Les ONG considèrent que l’ajout de cet alinéa est insuffisant car il ne garantit pas l’accès permanent des ONG dans les centres de rétention.

Les ONG dénoncent enfin la modification de la composition du Forum pour l’intégration sociale des immigrants qui risque d’exclure de cet organe consultatif les organisations sociales qui viennent en aide aux étrangers (article 70).

Les organisations de la société civile espagnole considèrent que ce texte représente globalement un recul pour les droits des migrants. Il leur reste quelques mois pour proposer des amendements aux groupes parlementaires, avant que le projet de loi soit débattu au sein de l’hémicycle, vraisemblablement à l’automne 2009.

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communiqué de presse de l’Association Pro-Derechos Humanos de Andalucia



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