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Haïti / Exclusion urbaine /

Peut-on dire qu’Haïti est une démocratie ?
6 octobre 2008 par Lucie Couet

Depuis la chute du dictateur Jean-Claude Duvalier, fils de Papa Doc, en 1986, Haïti s’est dotée d’une constitution en 1987 et des élections sont régulièrement organisées. Néanmoins, bien des points noirs interpellent et questionnent la réalité de l’illusion démocratique en Haïti.

Petit retour sur l’histoire récente

Suite au départ de Duvalier, Haïti a connu 4 années de totale instabilité politique, dont les causes sont aisées à saisir si on se retourner sur la période de l’Etat prédateur : captage des financements internationaux par le pouvoir, vol des biens privés par l’Etat, économie sans support, absence de justice etc. Néanmoins, en 1987, une constitution fut promulguée, toujours en vigueur aujourd’hui. Constitution qui n’est toujours pas appuyée par un conseil constitutionnel et est donc, en grande partie, laissée à la libre interprétation du jeu politique. Suite à ces années de trouble, le répit fut de courte durée : l’accession au pouvoir de Jean Bertrand Aristide en 1991, qui portait un véritable espoir de démocratie, se solda par un coup d’Etat militaire. Le coup d’Etat prit fin en 1994, lorsque l’opération américaine « Restore Democracy » permit le retour d’Aristide au poste de président. Aux élections de 1996, René Préval fut élu. En 2000, des élections douteuses ramenèrent Aristide au pouvoir et la violence – en particulier avec les milices aristidiennes connues sous le nom de « chimères » - et la corruption se développèrent. En 2004, Aristide fut renversé. De 2004 à 2006, les kidnappings augmentèrent dramatiquement ainsi que la violence urbaine dans les quartiers les plus précaires des grandes villes. Ce très synthétique retour sur l’histoire récente nous montre donc que, depuis la chute de la dictature, Haïti ne connut aucune période suffisamment longue pour construire les institutions de sa naissante démocratie.

La place de l’étranger

Les Etats-Unis participèrent ouvertement au retour de Jean Bertrand Aristide au pouvoir en 1994 lors de l’opération Restore Democracy. Par ailleurs, depuis la chute de la dictature, ce sont succédées 6 missions des Nations unies en Haïti La Mission civile en Haïti, MICIVIH, la MINUHA, la MANUH, la MITNUH, la MIPOUH et aujourd’hui la MINUSTAH, mission des Nations unies pour la stabilité en Haïti. D’une part il ne paraît pas incongru de s’interroger sur l’efficacité de ces interventions au vu de leur nombre, d’autre part on est de toute évidence devant des cas récurrents d’ingérence. Or si cette ingérence s’était jamais montrée efficace, justement, peut-être aurai-je quelque indulgence pour elle, mais ces débarquements multiples sont l’aveu même de l’échec de ces différentes missions .

Il est bien difficile de parler d’une démocratie quand vous avez des chars dans la rue, des casques bleus à l’arrière des pick ups, les armes pointées en direction des passants, et aucune date de départ pour ces troupes.

Une éducation à l’abandon

L’éducation en Haïti est dans un état de délabrement avancé. Tout d’abord, environ 20% seulement des écoles sont publiques et donc gratuites. L’enseignement, et surtout l’enseignement de qualité, est payant et cher. Ce qui signifie que les enfants des familles les plus pauvres ne peuvent aller à l’école ou bien très irrégulièrement. Il y a une « deuxième » rentrée des classes en Haïti, en plus de celle de septembre : en janvier, si les familles ont pu récolter suffisamment d’argent, certains enfants sont finalement envoyés à l’école pour finir l’année scolaire, sans avoir assisté à la première moitié de celle-ci. De plus, beaucoup d’écoles ne sont en réalité que des commerces, et beaucoup de maîtres ne sont pas formés. Par conséquent, une forte proportion de la population est illettrée et n’a jamais pu accéder à la culture générale. Difficile de se procurer l’information, de la lire et de participer à la vie politique du pays dans ces conditions. Et peut-on considérer qu’un média est libre quand son public est prisonnier ?

De quelle démocratie parle-t-on ?

Alors dans quel régime vit Haïti ? Certainement pas en dictature, mais pas non plus en démocratie. Le pays est, en réalité, en transition démocratique. Déjà parti, pas encore arrivé. La question qui demeure est : vers quelle démocratie ? Car la démocratie est un modèle politique proposé par les pays occidentaux au reste du monde, qui connaît bien des aléas. Or exporter le modèle politique de la démocratie ne doit pas signifier l’imposer. Car la démocratie telle qu’elle existe en Europe ou en Amérique du Nord par exemple, est liée à des évolutions historiques propres. Son universalisme n’est pas intrinsèque. Elle peut d’ailleurs être remise en question très sévèrement. Le « modèle » est donc contestable en lui-même.



Un régime démocratique est souvent devenu l’un des critères d’attribution de l’aide internationale. En Haïti, les principes démocratiques ne sont pas remis en question, néanmoins le modèle ne fonctionnera pas du jour au lendemain, et sans doute jamais sous la forme préfabriquée qui est valorisée aujourd’hui. Le risque est de faire de la démocratie un écran de fumée pour un nouveau type de colonialisme. L’avenir nous dira jusqu’où le modèle démocratique respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de leurs choix politiques.



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