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Où en est la question foncière en Haïti ? Observer les villes et les campagnes haïtiennes conduit rapidement à se poser une question essentielle : comment fonctionne le système foncier en Haïti ? Pourquoi les paysans sont-ils réduits à quitter leurs terres vers la ville ? Qui sont les propriétaires de ces terrains où croissent les bidonvilles ? Quelles sont les méthodologies et solutions envisageables ? Un territoire rural en souffranceLa question foncière en Haïti est une problématique aigue depuis l’indépendance de 1804. A cette date, les grandes habitations coloniales ont été découpées et distribuées aux paysans et aux notables. Certaines grandes exploitations confiées à des notables furent à leurs tours redécoupées lors de leurs ventes à des métayers. Le territoire haïtien fut donc rapidement morcelé en un puzzle constitué de minuscules parcelles. Les grandes exploitations sont rares : au début des années 1970, 70% des exploitations agricoles comptaient moins d’un hectare. La pression démographique exercée sur ces terrains familiaux n’a fait qu’augmenter ces trois dernières décennies. Parallèlement, l’importation massive de produits agricoles étrangers très faiblement taxés depuis la fin des années 1980 a affaibli gravement la paysannerie. Les investissements dans le secteur agricole sont demeurés marginaux. La déforestation dramatique du pays a entraîné l’infertilité de nombreuses terres. L’exode rural n’est donc pas uniquement le fruit de la pression foncière, néanmoins, l’insécurité dans ce domaine et le morcellement des exploitations ont joué en défaveur du contrôle de l’espace rural par ses acteurs. L’ insécurité foncière : le lot des ruraux et des urbainsLes paysans haïtiens migrent donc en grand nombre dans les villes du pays. Il n’existe pas de cadastre en Haïti et les villes ne sont pas planifiées. Le contrôle du territoire est donc le fruit des occupations de fait. L’insécurité foncière est de deux types. Soit l’occupant du terrain l’a investi sans revendiquer le titre de propriétaire, ce qui est le plus souvent le cas dans les villes. Dans ce premier cas, l’occupant ne paie pas d’impôts locaux et peut être chassé de son logement sans préavis. Soit l’occupant du terrain est en possession d’un titre justifiant de sa propriété. Dans ce second cas, il est bien rare que le titre que possède l’occupant soit un titre opposable. L’absence de cadastres et le manque de coordination entre les autorités en charge de la création et la validation des titres de propriété entraînent des litiges sans fin. Les jugements sont souvent sources de conflits plus que porteurs de solutions. Par conséquent, urbains et ruraux se trouvent en situation d’insécurité foncière permanente. Si, en ville, les habitants sont rarement inquiétés sur ces questions, il demeure que leur situation est en de nombreux points problématiques. N’étant pas reconnus comme propriétaires, ils ne paient pas de contributions financières à leur collectivité, qui s’en trouve appauvrie et vers laquelle ils ne peuvent guère se tourner. Sans même parler des autres problèmes de fonctionnement des mairies, on comprend d’ores et déjà comment ces quartiers précaires, qui constituent la majeure partie de Port-au-Prince, n’ont pas accès à l’eau ni à l’électricité. Ils ne peuvent opposer aucun titre de propriété aux autorités en cas de projet d’élargissement de voirie ou d’implantation d’équipement. Et bien sûr, leur bien ne constitue pas un capital aux yeux des banques. Ni citoyens à part entière, ni habitants reconnus, ni acteurs économiques. A la recherche de solutionsJe ne connais pas, à l’heure actuelle, de projets de régularisation foncière en milieu urbain en Haïti. Néanmoins la question se pose avec acuité, en particulier dans la perspective du projet sur lequel je travaille dans le quartier de Martissant (Port-au-Prince). Nous réalisons actuellement un diagnostic sur 4 espaces occupés, dans la perspective de proposer des méthodologies d’intervention non seulement pour améliorer le cadre de vie à court terme, mais aussi pour intervenir sur une planification à long terme. Nos connaissances sur cet espace sont minimes. Nous ne savons pas même à qui appartiennent les terrains, et le cas échéant quelles sont les limites des propriétés étatiques ou privées. Quelles seront les recommandations que nous pourrons faire auprès des institutions publiques et des bailleurs internationaux sur la question foncière ? Comment pourrons-nous formuler des hypothèses de solutions dans un cadre légal labyrinthique et fragile ? Quelles sont les potentialités de régularisation foncière pour des habitants qui ont construit leurs logements sur des terrains accidentés et peu viables ? Comment envisager d’attribuer des titres de propriété alors que la plupart des occupants sont locataires ? Quelle démarche adopter alors que la quasi-totalité des logements sont insalubres ? Autant de questions en suspens qui nécessitent un travail approfondi pour ouvrir des voies vers la sécurité foncière. |
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