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Argentine : paysans contre l’agro-business
22 mai 2008 par Cindy Drogue

Après l’article de Benoit sur la démission de Marina Silva, ministre de l’écologie au Brésil, j’ai trouvé intéressant de poster cet article, publié par MOCASE (Mouvement Paysan de Santiago del Estero - Via Campesina.) le 25 avril 2008 (et traduit par Amerikenlutte) pour faire le point sur le système "agricole" ici en Argentine et revenir sur les enjeux des dernières grèves...

En Argentine vivent 280 milles familles de 22 peuples indigènes, et 220 milles familles paysannes, avec au moins 1,5 millions de personnes. Elles ne produisent pas de soja, elles ne souscrivent pas à l’agro-business, elles sèment des aliments et élèvent des animaux pour leur auto-consommation et ont une relation spéciale avec la terre, elles ne la considèrent pas comme un moyen pour des affaires, elles se comprennent comme faisant parties d’elle, de sa culture, de son histoire et comme un bien commun des prochaines générations.

Ces deux acteurs centraux, peuples originaires et paysannerie, ont été systématiquement exclus du débat du dernier mois, où les quatre organismes les plus traditionnels et conservateurs des campagnes argentines ont réalisé une grève patronale (lock out) inédit dans le pays.

Société Rurale (SRA), Confédérations Rurales (CRA), Confédération Intercoopérative Agricole (Coninagro) et Fédération Agraire (FAA) se sont mobilisées et ont réduit l’approvisionnement des grandes villes en aliments pour un objectif principal : l’augmentation de leur rentabilité, favorisée par le prix international du soja. Les fermiers, qu’ils soient grands ou petits, à aucun moment ont couru le danger de pertes économiques, mais oui (après une mesure fiscale de l’État) ont été sur le point de gagner moins d’argent qu’attendu.

Durant des semaines, avec des manifestations et des joutes verbales de différents tons, les organismes traditionnels et le Gouvernement ont fait silence sur les sujets suivants :

Affaires. Sur le marché de l’agro-business mondial, l’Argentine est vu comme un élève modèle. En 1997, en Argentine on a récolté onze millions de tonnes de soja transgénique et six millions d’hectares ont été utilisés. Dix ans après, en 2007, la récolte a atteint les 47 millions de tonnes, en embrassant 16,6 millions d’hectares. C’est le troisième exportateur mondial de grain de soja (après les États-Unis et le Brésil) et le premier d’huile. Les exportations de soja et de ses dérivés, en 2007, ont représentées 11 milliards de dollars. L’Argentine ne produit plus d’aliments et dans le pays on ne mange pas de soja. La demande provient de l’Europe et de la Chine, où elle est utilisée pour l’alimentation animale.

Expulsions. Le modèle de l’agro-business basé sur le soja transgénique a expulsé, dans les dix dernières années, 300 mille familles de paysans et d’indigènes, qui ont eu comme destination des quartiers appauvris des grandes villes.

Déboisement. En seulement quatre ans, et à cause de l’avancée des plantations de soja, ont cessé d’exister 1 108 669 hectares de bois natifs, 277 mille hectares par an, équivalent à 760 hectares par jour, 32 hectares par heure.

Concentration. Le modèle agricole actuel, basé sur l’exportation et la production intensive, produit une plus grande concentration. Le dernier recensement agricole le confirme : les dix pour cent des dénommées " exploitations agricoles" les plus grandes concentrent 78 pour cent des terres, alors que 60 pour cent des plus petites propriétés se répartissent à peine cinq pour cent de la surface cultivable du pays.

Chômage. Quatre personnes seulement suffisent pour s’occuper de mille hectares de soja. Une exploitation laitière avec cette surface requiert, au minimum, vingt travailleurs. Si cette portion de terre était aux mains de familles paysannes indigènes, cela impliquerait un travail pour 350 personnes.

Santé. Les champs argentins ont été aspergés ces dernière année de 165 millions de litres de glyphosate (Roundup), un agrotoxique dénoncé pour causer des malformations aux nouveau-nés, des avortements spontanés, cancer et mort. Les accusations pointent le plus grand fabriquant de graines du monde : Monsanto.

Entreprises. Les compagnies de l’agro-business du soja avec une plus grande rentabilité (exportatrices et fournisseurs de facteurs de production) sont Monsanto, Dupont, Syngenta, Bayer, Nidera, Cargill, Bunge, Dreyfus, Dow et Basf, entre autres. Aucune d’elles n’a été questionnée dans le récent conflit.

Exploitation. 1,3 million de personnes travaillent dans les champs. Le salaire généralisé est de 1250 pesos par mois (250 euros). Elles sont considéré, par le propre État, comme les travailleurs les moins rémunérés, ceux qui souffrent des pires conditions de travail et les plus exploités. On les paie toujours avec de la nourriture et des logements précaires, dans des conditions proches de l’esclavage. De plus, 75 pour cent d’entre eux est "au noir", sans contrat de travail, couverture santé, ni apports de retraite ni assurance contre les accidents. Dow et Basf, entre autres.

Différences. Durant la grève patronale, on a utilisé comme fer de lance, la situation d’un "petit producteur" avec 100 hectares. En termes purement économiques : chaque hectare se loue 200 pesos par mois, 20 mille pesos tous les mois, 240 mille pesos à l’année, seulement pour louer la terre. Si ce propriétaire est un "petit producteur" : comment devrait-on appeler une famille paysanne ou indigène avec vingt hectares, cent chèvres et un jardin pour l’auto-consommation ?

Avenir. L’industrie de l’agro-business a deux prochains buts en Argentine : introduire à son affaire dix millions d’hectares (au détriment des producteurs familiaux) et les agrocombustibles (la création de combustible à partir du soja), affaire avec laquelle ils prétendent avancer sur quatre autres millions d’hectares de paysans et d’indigènes.

Autre modèle. Le Mouvement National Paysan Indigène (MNCI), composé de 15.000 familles de sept provinces, n’a pas été inclus dans les discussions. Le MNCI, comme le Mouvement Sans Terre du Brésil et les zapatistes mexicains, promeut l’organisation des plus pauvres et marginaux du champ argentin, la base de la pyramide rurale. Deux de ses propositions centrales sont la réforme agraire intégrale et la souveraineté alimentaire, ce qui implique un changement de modèle agraire. Une question de fond que les quatre organismes traditionnels, et le Gouvernement, préfèrent ne pas parler.




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