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Brésil / Exclusion urbaine /

La question du logement (5) : le Cearah Periferia et le programme Cidade de Todos
2 septembre 2008 par Benoît Guichard

Le Cearah Periferia est une ONG de Fortaleza qui travail dans le domaine de l’habitat, de l’expertise citoyenne, la planification urbaine, la régularisation foncière et l’économie solidaire. Elle est membre du Nuhab (Núcleo de Habitação e Meio Ambiente), mouvement historique de la lutte pour le logement à Fortaleza, et qui regroupe plusieurs institutions philanthropes, pastorales et ONG, etc.

la question du logement

L’ONG est née en 1982 avec la volonté de de former politiquement des leaders dans les communautés, sur le thème de la planification urbaine. Elle fut alors appuyée financièrement par la communauté européenne et Oxfam GB pour monter une école de planification urbaine, destinée aux populations, pour mener des études sur l’habitat et son développement, sur la cartographie et la régularisation de l’habitat. Elle mena en parallèle un travail sur la construction de l’habitat. L’école à former plus de 300 « chercheurs citoyens » en étant soutenu notamment par l’Institut Français d’Urbanisme. Elle organise aujourd’hui des cours ponctuels.

L’économie solidaire

Elle développe aujourd’hui des programmes liés à l’économie solidaire. Un des programme s’appelle le FAPAG (Fonds d’Appui et Programme de Auto-Gestion) appuyé depuis 10 ans par le CCFD en France.
- Ce programme s’organise autour de l’économie solidaire et de la question du genre. Il s’articule autour de neuf communautés. Celles-ci s’organisent dans l’optique de créer des coopératives ou pour consolider des associations. Le Cearah Periferia facilite le travail des communautés en organisant des séminaires, des formations.
- Le deuxième axe du FAPAG est la gestion de la CoopSol et de Coopfirme, qui travaillent dans le domaine du micro-crédit et dans le suivi de l’activité développée grâce au micro-crédit, pour lui assurer toutes les chances de réussite. L’ONG fut aidée para la Banco Palmeira pour développer ces outils.

Le Cearah Periferia fut une des structures qui a mené le programme Cidades de Todos (Ville de tous) de 2003-2006.

Exemple et portrait d’une mobilisation pour la régularisation foncière à Fortaleza

. (tiré du livre : A particpação popular no processo de regularização fundiária da Terra Prometida, Nuhab, 2007, Fortaleza)

Le programme avait pour but la participation populaire dans le processus de régularisation foncière. Il fut réalisé dans le quartier de Terre Promise par le Nuhab, en lien avec l’Association des Habitants de l’Occupation de la Terre Promise. Le mouvement de régularisation des terres urbaines occupées est un phénomène relativement récent au Brésil et à Fortaleza en particulier. Le projet a donc fonctionné comme une expérimentation à l’échelle d’un quartier, en misant sur la participation et la mobilisation de la communauté pour s’approprier l’idée de régularisation et ainsi réaliser un diagnostic du quartier, capable de jouer en sa faveur lors des relations avec les pouvoirs publics. Il y a aussi l’idée de pousser la municipalité à faire un travail qu’elle ne réalisait pas ou très peu (pour diverses raisons : la volonté politique, les moyens financiers, l’ampleur des régularisations).

L’évolution des occupations à Fortaleza

L’histoire des occupations quartiers occupés à Fortaleza, remonte à 1921 avec les premières industries de la ville. L’industrialisation va s’intensifier à partir des années 50 jusqu’au années 70. La plupart des habitant viennent de l’intérieur de l’Etat du Ceará et les quartiers suivent les implantations et les fermetures d’usines, créant une multitude de favelas. Avec l’accroissement du tourisme, les implantations d’usines ont tendance à reculer, répandant les favelas vers la périphérie (Aujourd’hui, les plus grands quartiers occupés forment une grande ceinture autour du centre de Fortaleza). Il est aussi important de noter que l’Etat du Ceará, et plus généralement le Nordeste est une terre d’émigration intérieure, principalement vers l’Etat du Rio Grande Sul, et vers les villes de São Paulo et Rio de Janeiro, et même vers l’Amazonie lors du « front pionnier » lancé par le gouvernement pendant la seconde guerre mondiale pour cultiver la borracha et réaliser les pneus de l’armée américaine). Cette exode existe toujours et il explique en grande partie le manque d’homme dans le nordeste, en particulier dans les favelas où l’on trouve populations les plus touchées par l’exode (jusqu’à 70 femmes pour 30 hommes). Cette histoire de l’émigration est très ancrée dans les mentalités et a créé un particularisme régional très fort, un sentiment « nordestino ». Le Réseau des Jeunes du Nordeste, regroupant des dizaines d’organisations, mène, par exemple, campagne auprès des jeunes pour éviter les départs vers les grandes métropoles.

Du projet Côte-Ouest à la Villa do Mar

Au milieu des années 90, pour développer son potentiel d’attraction, la ville décide d’agrandir son littoral touristique, sans consultation des populations. C’est le projet Côte-Ouest, visant une zone située dans le quartier de la Grande Pirambu et de la Barra du Ceará ( deux anciens quartiers industriels proches du centre et au bord de la mer mais qui souffrent de l’absence d’infrastructure publique). Une partie des habitants devait être expulsée contre des indemnisations dérisoires. L’absence de titre de propriété des habitants laissait le champ libre au pouvoir municipal et aux promoteurs (Les nouvelles habitations étant par ailleurs inaccessibles aux populations pauvres). Le projet Côte-Ouest, écrit en 1996, ne débuta qu’en 2002, retardé par les nombreuses contestations (qui remontèrent jusqu’à l’ONU). Le projet Côte-Ouest fut ensuite ralenti par la justice fédérale puis paralysé par la nouvelle municipalité en 2005 pour être discuté à l’intérieur du programme Orla (initiative du ministère de l’environnement). Un accord fut trouvé en 2007 avec la municipalité, qui retrouvait le contrôle du programme appelé dorénavant Vila do Mar et qui doit chercher à valoriser les communautés. Reste à savoir si les populations seront réellement bénéficiaires du programme dans les faits.

La lutte de la terre promise

Le Nuhab s’est rapproché d’un des rares quartiers menacés mais en résistance, Terra Prometida, pour lancer un mouvement de régularisation populaire à partir de 2003. La mobilisation populaire du quartier naît très tôt, dès le début de l’occupation en 1990, l’entraide étant obligatoire pour assurer la survie de la communauté. Devant les avancés du projet Côte Ouest, l’Association des Habitants fut créée dans une optique de lutte plutôt que de négociation pour les indemnisations (contrairement à la plupart des associations des autres quartiers). Le mouvement de régularisation fut donc appuyé par le Nuhab, avec un objectif plus large : l’inclusion sociale des favelas, influencée par Statut de la Ville de 2001 et les expériences de Recife et Porto Alegre.

La mise en place du programme

La première étape fut liée à la structuration de la proposition à l’aide de séminaires, de réunions, de débats, d’échanges pour clarifier les positions, les orientations et les possibilités pour réaliser le diagnostique du quartier et mobiliser les meneurs du mouvement et la population. La population et le Nuhab devaient créer une méthodologie nouvelle incluant la préservation de l’environnement ou bien encore dominant la question du droit pour pouvoir se déplacer dans la bureaucratie de la ville, dans le méandre juridique, etc. La population devait pouvoir s’approprier le projet et les plus jeunes apprendre la résistance.

Des rencontres furent réalisées avec des avocats, des étudiants en droit, en architecture, etc. Plusieurs thèmes ont orienté les travaux : l’aspect juridique, les potentialités et les demandes de la populations, l’évolution « physique » du quartier. Le thème le plus urgent restait cependant la régularisation, puis venait les questions sur la qualité de la vie.

La principale limite du processus fut la difficulté à mobiliser l’ensemble du quartier sur la durée, seule une minorité resta active. L’absence de résultat concret rapide fut rédhibitoire pour de nombreuses familles vivant dans un contexte de survie et lassées par les luttes du quartier et les promesses électorales. Le manque de leaders charismatiques capables de mobiliser le quartier fut aussi un frein.

Radiographie de la terre promise

Une des premières activités dans le quartier fut le recensement physique et socio-économique du quartier composé de 209 maisons pour 910 habitants. 68% des chefs de famille sont des femmes, elles gagnent en général moins que les hommes, et ont en plus le travail domestique et familiale. 1/3 des familles vivaient en dessous la la « ligne de pauvreté ». La plupart des personnes n’avaient pas fini le niveau d’enseignement fondamental. La grande majorité des familles avait accès à l’eau, à l’électricité et à un système d’égout (souvent réalisé par les habitants eux-mêmes). Les familles ne se déplaçaient que rarement dans le centre de Fortaleza et n’utilisaient que peu les services offerts par la ville. La favela pouvaient cependant profiter d’un quartier propre, de la proximité des services du centre ville, de la proximité de la plage, d’une présence raisonnable des transports et d’un poste de santé. Les problèmes étant concentrés autour de l’insécurité, de la vente de drogue, de l’absence de rues goudronnées, de l’absence d’aire de loisirs, du peu de drainage des rues, etc.

la fin de la première période (mise en place du projet et diagnostic du quartier) coïncida avec la campagne pour la mise place du plan directeur participatif pour le développement urbain de Fortaleza et contre le plan directeur présenté par la mairie (qui sera annulé par la municipalité suivante).

L’élaboration de la proposition

La seconde phase commença avec des ateliers sur le renforcement communautaire, sur la question des genres, sur l’échange de savoir, etc. Un échange eut lieu avec des institutions de Recife (ONG et mairie) au sujet des méthodologie développées : Actions juridiques, mobilisations par des assistantes sociales, révélés topographiques, recensement de la population, etc. dans le quartier de la Mustardinha, un des quartiers pionniers pour les régularisations. Elles furent menées dès les années 80, dans le cadre d’un Zone Spéciale d’Intérêt Social (ZEIS en Brésilien). La grande différence avec Terra Prometida résidait dans le fait que le processus provenait essentiellement des autorités sans une participation importante de la population.

Puis débutèrent les ateliers difficiles sur le thème de régularisation Foncière, réalisé de façon la plus ludique possible (maquettes, discussions, théâtre marionnette sur la régularisation, la lecture d’une plaquette simplifiée (voir : Regularização Fundiára, 2008, 3ième ed, Nuhab, Fortaleza), etc. La principale difficulté résidait dans la capacité à transmettre un discours technique juridico-urbaniste auprès des leaders (multiplicateurs sociaux) puis de la communauté dans son ensemble (les femmes et les jeunes furent les deux groupes sociaux les plus réceptifs). La création des conseillers de rue (deux habitants par rue) chargés de la mobilisation améliora la participation citoyenne.

Deux notions étaient fondamentales à faire passer : le droit au logement en tant que droit fondamental en lien avec la notion de droit de la ville, et la définition de la régularisation foncière en tant que processus global (régularisation urbanistique et juridique).

Un mini-plan urbanistique de la Terra Prometida fut le produit final, réalisé par une vingtaine d’habitants en lien avec le Nuhab et comme objectif d’être inclus dans le nouveau plan-directeur. Pour les actions de régularisation, les difficultés de mobilisation ont amené les habitants a opter pour l’action juridique individuelle, plutôt que collective. Les régularisations furent un premier pas important, reste désormais à confirmer la réalisation du droit à la ville par les pouvoirs publics.

- La question du logement (6) : Le logement comme future grande avancée sociale ?




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