Rencontre avec l’Institut Terramar L’institut Terramar est une ONG basée à Fortaleza qui travaille avec plusieurs communautés côtières du Ceará. L’histoire commence au début des années 90. Des pêcheurs lancent un mouvement de protestation appelé SOS Survie, pour défendre leur droit à la terre, leur métier et leur mode de vie. Ce mouvement fut marqué par un voyage de 74 jours de jangadeiros (pêcheurs des jangadas, bateaux de pêche traditionnels), du Ceará à Rio de Janeiro. L’institut Terramar est né de la volonté de donner une continuité à ce mouvement et à la réflexion l’entourant pour améliorer les conditions de la pêche artisanale et renforcer les communautés de pêcheurs. Rapidement de nouvelles questions sont venues compléter les problématiques initiales. Dans le désordre on peut citer :
Terramar définit son action comme l’affirmation de la vie des Peuples de la Mer, qui est une condition fondamentale pour la transformation sociale. L’institut vient en appuie aux communautés désireuses de travailler sur ces thèmes et agit comme facilitateur. L’entretien a commencé par la diffusion d’un film sur Terramar, encore en finalisation. Ce film a présenté les 5 projets actuels de Terramar : Le Programme Développement Institutionnel et Organisationnel, le Programme Développement et Technologie, le Programme Éducation, Culture et Citoyenneté, le Programme Genre et Citoyenneté et le Programme Gestion Côtière. La discussion a ensuite tourné autour de plusieurs sujets. Le droit à la terreUne des grandes luttes des pêcheurs est liée à la possession de la terre, en lien avec le Mouvement des Sans-Terre. Petit récapitulatif historique : La zone côtière, du temps de la domination portugaise n’avait aucun intérêt à cause de leur faible valeur productive. Ainsi seul les zones pouvant servir de port abrité pour les navires (comme Salvador de Bahia ou Rio de Janeiro) ou pour la défense des côtes, étaient occupées. Les bandes de terres côtières étaient donc habitées uniquement par les pêcheurs. Les droits de propriété des latifundiaires n’englobaient jamais ces territoires, de fait propriétés de l’Etat. L’intérêt pour ces zones naît dans les années 50 et s’accroît aujourd’hui sous un triple effet : la construction de maisons sur la côte pour les touristes et les brésiliens fortunés,
Un phénomène de faux propriétaires est apparu. Ils se munissent de faux papiers jaunies à l’occasion (phénomène que l’on retrouve aussi en Amazonie) et présentent ces papiers aux pêcheurs, en général installés depuis plusieurs générations et qui n’avaient jamais vu de propriétaire. Les faux-propriétaires tentent d’extorquer des loyers ou déloger les communautés. Comme il n’y a pas de propriétaire hormis l’Etat qui n’assurent pas de contrôle spécifique, de nombreuses luttes naissent pour affirmer le droit des pêcheurs à conserver leur terre. La mobilisation dans les années 90 de la Prainha do Cantinho Verde est une des luttes symboliques pour le droit des pêcheurs à conserver ses terres. La question de la terre va a-delà de l’habitat au-delà de la pêche, les communautés vivent d’une petite agriculture familiale qui complètent leur revenu. Les pêcheurs qui vivent le plus mal et qui ont le plus de difficultés à se maintenir sont les pêcheurs situés prêts des villes et qui n’ont pas pu conserver leur terre. Il est par ailleurs intéressant de noter que les espagnols, les portugais et les italiens sont parmi ceux qui investissent le plus sur les côtes du Ceará n’ayant pas les moyens d’acheter sur leur propre côté. L’évolution technologiqueL’apport de nouvelles technologies et la diffusion d’un savoir propre aux communautés de pêcheurs permettre d’améliorer le quotidien des communautés. Des jangadas-catamarans... Les jangadas traditionnels sont parfaitement adaptées au type de pêche de la zone côtière du Ceará. Mais dans le but d’améliorer la stabilité et la vitesse, des expériences ont été tentées pour transformer les jangada en mini-catamarans. Ces évolutions permettent d’améliorer le rendement de la pêche et le confort des pêcheurs. On a aussi introduit le GPS, tout en préservant le savoir de la navigation selon la position des étoiles et les courants. Des panneaux solaires sont installés pour la production d’énergie. A terre, des serres captant la chaleur du soleil permettent de faire sécher les algues plus efficacement, on introduit de nouvelles techniques améliorer la production des cultures et leur qualité environnementale, etc. Ce travail sur l’éducation et la technologie doit permettre de rendre les communautés plus autonomes, plus viables, capables de transmettre le savoir aux autres communautés et de protéger l’écosystème. L’amélioration de la vie de la communautéL’amélioration de la vie de la communauté, au-delà des évolutions techniques, passe par l’évolution du rôle de la femme. Elles s’organisent, participent à l’économie, à la politique, pour l’amélioration de la communauté et de leurs conditions. Les communautés de pêcheurs se sont organisés en un réseau capable d’appuyer les luttes des autres et d’aider à diffuser le savoir. Face à la montée du tourisme de masse, un réseau de tourisme durable et solidaire s’est aussi développé, le TUCUM (rede cearense de turismo comunautário). Les grandes interrogations sur la viabilité de l’économie solidaire, sur les capacités de résistances face aux menaces de grands promoteurs. La principale difficulté est créer des perspectives sur 10 ans, 15 ans et de savoir si ces évolutions et ces luttes seront salvatrices à moyen terme. Cela ne dépend pas que des pêcheurs, mais de la société dans son ensemble et des institutions publiques en particulier. Celles-ci ne mènent pas de politique publique d’ensemble pour la protection du littoral et pour la défense des pêcheurs. Selon leur couleurs politiques, elles sont plus ou moins ouvertes au dialogue, mais il n’existe pas encore de réel partenariat. La notion de lutte est donc importante. Un autre point important pour viabiliser les communautés serait de permettre une commercialisation des produits tirés de la production des pêcheurs et des femmes, pour améliorer les revenus des familles. Pour cela, elles doivent avoir la possibilité de vendre leur produit dans des marchés particuliers, hors de grands réseaux de distributions. |
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