En Turquie, les Roms sont à l’Assemblée Nationale Mercredi 14 novembre, les habitants du quartier rom d’Istanbul, Sulukule, sont allés à l’Assemblée Nationale à Ankara déposer leurs lettres à la Commission des droits de l’Homme. Toutes ces lettres dénoncent les pratiques peu démocratiques de la mairie pour mener le projet de renouvellement urbain et réclament le droit de continuer à vivre à Sulukule et de ne pas être déplacés. 6h du matin. Au café du coin, l’événement historique se prépare : les habitants de Sulukule vont à Ankara, à l’Assemblée Nationale, à l’invitation du député Cetin Soysal (CHP, Parti Républicain du Peuple) remettre leurs lettres à la Commission des droits de l’Homme. Derniers thés. Le bus attend. On fait l’appel. On vérifie que sa carte d’identité est bien avec soi. Tout le monde est présent. C’est parti ! Six heures de route. L’ambiance est sérieuse et festive, joyeuse et sensible. On danse, on chante, on pleure, on rit ! La mobilisation du quartier n’est pas à la hauteur des espérances. Mais la délégation (25 personnes) veut croire que tout est encore possible ! La conférence de Bruxelles, l’attitude de la mairie plus encline à la négociation sont des signes de bon augure. Alors, sous l’égide de l’aîné de la délégation au micro, on mémorise bien le discours à avoir à l’Assemblée. On n’a pas le droit au faux pas et la presse est au rendez-vous : « Dites bien que nous ne sommes pas contre le projet de renouvellement urbain à Sulukule mais contre celui de la mairie, que nous voulons travailler avec elle ». Arrivée à l’Assemblée Nationale vers midi. Novices en terre inconnue. Les visages se figent. Procédures d’enregistrement, procédures de sécurité. Reçus par le député Cetin Soysal, la soixantaine de lettres est transmise. Tout le monde attend maintenant l’allocution du député devant l’Assemblée à 14h. 14h. Le député Cetin Soysal prend la parole et s’adresse au Premier Ministre Recep Tayip Erdogan et au Ministre de la Culture et du Tourisme, Ertugrul Günay : « nos citoyens arrivent à se faire entendre à Bruxelles, Ankara aussi on doit les entendre... ». Plaidoyer politique juste. Récit des faits qui met au jour des pratiques peu démocratiques, questions qui mettent mal à l’aise. La parole est ensuite donnée au Ministre de l’Environnement et de la Forêt pour répondre. Même discours que celui de la mairie de l’arrondissement de Fatih : projet participatif avec les habitants (pendant deux mois), projet social grâce aux compensations (attribution de logements), projet élaboré avec des experts (comme la Chambre des Urbanistes d’Istanbul). ¼ d’heure. Terminé. Dans le silence, dans la déception, la délégation sort de la séance. L’atmosphère est tendue, mais la journée n’est pas encore à sa fin : il faut encore affronter la horde de journalistes, caméramans et photographes. Coup de théâtre. L’humeur générale change du tout pour le tout. Il faut s’y attendre. N’a-t-on pas dit « pas de faux pas » ? Les habitants charment les caméras des chaînes turques : témoignages empreints d’émotions et de sincérités toute en musique et chansons. Succès. Du jamais vu à l’Assemblée. Ce soir, on passe à la télé –et pas que sur une chaîne ! Digne d’un mariage rom est le retour vers Istanbul. On boit un verre de vodka pour se remettre de tant d’émotions si différentes...Pause-dîner avant 19h. Il faut s’assurer qu’il y a une télévision au resto. Les serveurs regardent amusés : on zappe d’une chaîne à l’autre au gré des portables qui sonnent pour indiquer les chaînes, les éclats de rire et les commentaires se suivent les uns après les autres ! On a gagné une petite victoire aujourd’hui. Le chemin est encore long, mais on se sent plus fort. On doit raconter cette journée, on doit renforcer la mobilisation au quartier. Les négociations doivent poursuivre avec la mairie. Les Roms à l’Assemblée, « événement historique », vous avez dit ? Non, cette journée doit juste être une date mémorable dans l’histoire de cette lutte qui continue à Sulukule ! |
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