L’ombre de l’UNESCO plane sur Istanbul...pour rien ! Le dimanche 24 février, la Plateforme de Sulukule (composée de l’ONG Human Settlement Association, d’architectes et d’universitaires) invite le professeur Cevat Erder, membre du comité de suivi de l’UNESCO, dans le quartier de Sulukule situé aux abords des murailles byzantines. La Plateforme veut lui montrer les dernières démolitions illégales de maisons dans le cadre du projet de renouvellement urbain de la mairie. Le professeur Cevat Erder, membre du comité de suivi de l’UNESCO, est reçu dans le quartier, au café de l’association locale (Association pour la solidarité et le développement de la culture rom de Sulukule), par quelques membres de la Plateforme de Sulukule. Une conférence de presse a lieu à partir de 13h avec un ou deux journalistes, suivi d’une visite du quartier. Cette discussion de table laisse les hommes du coin totalement indifférents : après tout l’UNESCO, qu’en savent-ils ? après tout qu’une personnalité de plus de passage dans le coin ? Ils ont sans doute raison.
Cette discussion de table est bien tardive : « que reste-t-il à faire pour le quartier ? », se demandent encore et demandent les membres de la Plateforme au professeur. Tout le monde le sait : « plus grand chose pourtant... ». Les maisons déjà vendues par les propriétaires sont en train d’être démolies progressivement. Et même. L’UNESCO n’a pas de pouvoir pour arrêter un projet de renouvellement urbain lancé par la mairie. Le professeur Monsieur Erder dit : « c’est le devoir de la mairie de protéger les bâtiments inscrits sur la liste patrimoniale ; apparemment la mairie s’efforce pour que les maisons tombent en ruine ». L’UNESCO n’est pas l’ultime recours pour sauver le quartier, comme le croient un ou deux habitants du quartier. C’est juste un moyen de pression sur la mairie et les élus, le gouvernement turc et le parti de mouvance islamiste au pouvoir (l’AKP, parti pour la justice et le développement). Le maire de la métropole, Kadir Topbaş, ne dit-il pas : « que l’UNESCO arrête de se mêler de mes affaires, que je fasse ce que j’ai à faire ! » On peut déjà porter le deuil du passé et de la mémoire d’Istanbul. Mais l’ancienne Constantinople ne sera pas retirée de la liste du patrimoine mondiale de l’Humanité, comme s’évertue à faire croire la presse turque. C’est la liste du patrimoine mondiale de l’Humanité en péril qui l’attend sagement jusqu’à la prochaine réunion en juillet 2008. Ce qui n’est pas une « mauvaise chose » pour le professeur si ce scénario s’avère vrai : 1) le gouvernement reçoit des fonds dédiés à la préservation du patrimoine ; 2) un comité de suivi externe est implanté dans le pays. On peut porter le deuil du passé et de la mémoire d’Istanbul. On peut aussi se voiler la face, se parer de noir et devenir totalement amnésique. Tous ! Société civile et élus politiques ! La Plateforme de Sulukule et ce représentant de l’UNESCO...Parce que figurer sur la liste en péril et recevoir des fonds va sauver Istanbul ! Arrêtons de se leurrer, arrêtons d’être naïf ! Il suffit de se promener dans la vieille ville et d’observer. Qu’a-t-on réellement préservé dans la métropole depuis 1985 (année d’inscription sur la liste du patrimoine mondial) ? et surtout comment ? D’accord, on dit que le projet de Sulukule doit être une « leçon » pour les autres projets de renouvellement urbain de la métropole –et en particulier ceux de la péninsule historique. Quelle leçon ? Combien de leçons va-t-on encore voir passer ? La mairie continue d’envoyer des bulldozers au compte goutte dans le quartier. Les locataires doivent vider les lieux avant la fin mars 2008. A force de trop « penser », on agit tard et mal à Istanbul... |
|
|||||
|
||||||