Sur la route de l’exil : Kosovo... Belgique 1 Dejan est d’origine rom, il a fui le Kosovo avec sa femme et ses trois enfants. Sa famille a été reconnue réfugiée en juin 2007 après 8 demandes d’asile formulées dans plusieurs pays de l’Union européenne. Entre le Kosovo et le MonténégroEn 1997-1998, Dejan effectuait son service militaire dans l’armée yougoslave. Au moment des frappes de l’OTAN en mars 1999, Dejan était toujours dans l’armée. Il a du combattre aux côtés des Serbes contre les Albanais. Après la fin du conflit, les Albanais, majoritaires au Kosovo, ont menacé Dejan et sa famille en raison de leur origine rom. Fin juin 99, des Albanais se sont rendus chez eux pour les expulser de leur logement. Ce jour là, Dejan n’était pas là, sa mère et sa femme ont été battues. A son retour, ils ont pris la fuite, comme beaucoup de Roms, vers le Monténégro. Au Monténégro, ils vivaient dans un camp de réfugiés, sous des tentes. Sa femme était sur le point d’accoucher, les conditions de vie étaient difficiles. Au bout de 5 mois, ils ont finalement tenté un retour au Kosovo. Sur les conseils de leurs proches, ils ne sont pas retournés chez eux car apparemment il y avait un « camp militaire ». Ils sont allés vivre chez l’oncle de Dejan. A cette époque, un des amis de Dejan, qui habitait tout prêt de chez son oncle, a été tué par des Albanais. Dejan et sa famille ont pris peur et ont fui de nouveau au Monténégro en août 2001. En 2003, ils ont fait une deuxième tentative de retour au Kosovo, mais sa fille a été menacée et Dejan a su qu’il était recherché. En effet, un certain Anen, Albanais, circulait avec une liste des noms des personnes recherchées. Cette fois-ci, Dejan et sa famille ont fui vers l’Europe. Dans le dédale du règlement Dublin IIEn mai 2003, Dejan a demandé l’asile en Belgique. Durant la procédure, il a été hébergé avec sa famille dans le centre d’accueil pour demandeurs d’asile d’Arlon. Sa demande d’asile a été déclarée irrecevable au bout de deux mois. Malgré la fin de la procédure, ils ont pu rester à Arlon jusqu’en novembre 2003. Puis ils ont quitté la Belgique et se sont rendus en Allemagne en décembre 2003. Ils ont demandé l’asile en janvier 2004 et ont été renvoyés en Belgique 7 mois plus tard dans le cadre du Règlement Dublin II. En effet, s’étant rendue compte qu’ils avaient déjà introduit une demande d’asile en Belgique, l’Allemagne a estimé qu’elle n’était pas responsable de leur demande. Au regard du Règlement Dublin II, l’Etat responsable de la demande d’asile est, notamment, le premier pays de l’union européenne (UE) dans lequel la personne a demandé l’asile. L’allié indispensable de ce système est le fichier Eurodac, il s’agit d’une base de données dans laquelle sont enregistrées toutes les empreintes digitales des personnes ayant, notamment, demandé l’asile dans un pays de l’UE. Dejan et sa famille ont fait leur première demande d’asile en Belgique, cette dernière devait donc être responsable du traitement de leur demande. Mais à peine arrivés en Belgique, ils ont reçu un ordre de quitter le territoire. Ils ont alors demandé conseil à un avocat. Ce dernier leur a conseillé de se cacher pendant 6 mois avant de refaire une nouvelle demande. Dejan n’a pas osé rester et est parti avec sa famille en Italie en septembre 2004. Arrêté par la police alors qu’il mendiait, Dejan a demandé l’asile. Les autorités italiennes ont retrouvé ses empreintes dans le fichier Eurodac et se sont donc rendues compte qu’il avait déjà demandé l’asile en Belgique. Il s’est donc vu délivrer un ordre de quitter le territoire. Dejan est malgré tout resté en Italie jusqu’en mai 2005. En juillet 2005, il a fait une nouvelle demande d’asile en Belgique. Il a reçu une annexe 13 quater, c’est-à-dire un refus de prise en considération de sa demande d’asile pour défaut d’éléments nouveaux. Il est alors parti en France où il a demandé l’asile. Il est resté deux semaines dans un hôtel à Paris qu’on lui avait désigné, mais lorsqu’on lui a demandé de se présenter à la police pour déclarer qu’il n’avait jamais demandé l’asile ailleurs, il a pris peur et n’y est pas allé. Il est reparti en Allemagne avec toute sa famille. Il y a consulté un avocat qui lui a conseillé de faire une nouvelle demande d’asile. Lorsqu’il s’est présenté aux autorités pour demander l’asile, il est tombé sur la même personne qui l’avait reçu lors de sa première demande en Allemagne un an et demi plus tôt. Cette personne l’a reconnu. Il a été emprisonné pendant 3 mois pour séjour illégal, sa femme et ses enfants on reçu un ordre de quitter le territoire. Ces derniers sont partis en Belgique. En août 2005, sa femme a de nouveau demandé l’asile. Pour le temps du traitement de sa demande, elle a été hébergée au centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Kapellen en Flandre. Au bout d’un mois et demi, elle a reçu une annexe 13 quater (refus de prise en considération). La procédure prenant fin, elle n’avait plus droit à l’accueil et elle a donc été expulsée du centre. Elle s’est retrouvée sans rien, à la rue avec ses trois enfants. Elle a trouvé refuge chez son frère à Verviers jusqu’à la libération de son mari en novembre 2005. La police allemande a reconduit ce dernier jusqu’à la frontière belge. Dès son arrivée en Belgique, il s’est présenté à l’Office des Etrangers et s’est vu de nouveau délivrer un ordre de quitter le territoire, sans même être entendu. Dejan n’a pas osé faire une nouvelle demande d’asile. Il est resté avec sa famille à Verviers sans rien demander à personne. Début 2006, ils se sont retrouvés en difficulté et ont demandé une aide au Centre Public d’Action Sociale (CPAS) de Verviers. Pour les familles dites « illégales » avec enfants mineurs, le CPAS ne peut donner qu’une aide matérielle sur la base de l’arrêté royal du 24 juin 2004. Ce dernier fixe les conditions pour l’octroi d’une aide matérielle à un étranger mineur qui séjourne avec ses parents illégalement dans le Royaume. Cette aide se concrétise par un hébergement tout le temps de la minorité des enfants. Ils ont donc été envoyés au centre d’accueil du « Petit Château » à Bruxelles. Ils y sont restés 8 mois, puis ont été transférés dans le centre d’accueil de Florennes pour raison disciplinaire. Une issue inespéréeCe transfert s’est fait en raison des troubles du comportement de Dejan. Il s’emportait vite, ne se contrôlait plus, il provoquait des bagarres, etc… Ces troubles n’ont pas cessé avec le changement de centre, le service médical du centre de Florennes l’a donc orienté vers une clinique à Namur. Là-bas, il a été suivi par un psychologue et un psychiatre. Dejan se plaignait d’extrême nervosité et de cauchemars, durant lesquels il se sentait violemment attaqué, symptômes qu’il attribuait aux atrocités dont il a été témoin durant la guerre au Kosovo. Par ailleurs, il se plaignait des conditions de vie au centre d’accueil, il ne supportait plus la promiscuité, les problèmes que cela posait pour l’éducation de ses enfants. Le cumul de toutes ces choses le rendait nerveux, il avait du mal à contenir son agressivité. Il s’emportait très vite, frappait ses enfants… Dejan a reçu une médication psychotrope qui a, apparemment, amélioré son état. Son fils a également été suivi, un retard important du développement et du langage avait été détecté suite à un bilan psychologique. Il a été orienté en enseignement spécial. Estimant que la stabilité au niveau du séjour est un préalable à toute guérison, le psychologue a orienté Dejan vers le Centre des immigrés de Namur. Là-bas, une assistante sociale a repris leur dossier à zéro, une nouvelle demande d’asile a été introduite début 2007. En juin 2007, ils ont finalement été reconnus réfugiés, aujourd’hui toute la famille va mieux ! Pour la première fois depuis leur fuite du Kosovo, Dejan et sa famille ont été écoutés, aidés et soutenus. Sans tout cela, il est fort probable qu’ils seraient toujours en centre d’accueil comme famille « illégale »… |
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