Haïti : La valse des ONG, une domination néo-coloniale ? MDM, AVSF, MSF, Intermon et tuti quenti ca vous dit quelque chose ? Ici en Haïti, ce jargon fait parti du langage courant...Le langage des ONG (Organisation Non Gouvernementale). Leur présence en (sur)nombre me fait poser des questions. Leur rôle en fait effectivement des acteurs politiques puissants, notamment ici où l’Etat ne peut assumer ses missions de solidarité. Et l’interrogation se pose avec d’autant plus d’acuité que parallèlement à leur développement, ce sont leurs limites qui s’affichent au grand jour. Les ONG, instrument du pouvoir néo-libéral ?D’abord triomphant dans les pays du nord, le modèle néo-libéral tend à s’imposer dans les pays du sud. En effet de nombreux pays ont du consentir à appliquer ce modèle en contre-partie de l’aide financière qui leur était apportée. Les institutions internationales (Fond monétaire international, Banque Mondiale) ont conditionné leur aide financière à l’acceptation de programmes d’ajustements structurels (PAS). Ces programmes ont pour principe le rétablissement des équilibres macro-économiques, le paiement du service de la dette , la privatisation et la libéralisation des marchés, la diminution des dépenses de l’Etat... Le coût social de ces mesures s’abat plus durement sur les populations déjà fragilisées et les prive de la protection d’un Etat déjà défaillant. C’est alors qu’interviennent les ONG qui par leur action permettent d’atténuer les effets des PAS et ainsi de contrer les possibles révoltes populaires. Et en proposant cette "protection sociale" aux plus pauvres, les ONG participent à la mise en place de l’économie libérale. Les organisations internationales (FMI, BM, mais aussi Union Européenne, Banque inter-américaine de développement) ont très vite intégré cette donnée en finançant les ONG qui sont dès lors dépendantes des organisations internationales et se trouvent dans une situation ambivalente puisque ces fonds sont nécessaires pour aider le plus grand nombre mais que cette dépendance les oblige à s’insérer dans la perspective mondiale de développement qui consiste à imposer l’économie de marché. Et la question du caractère non-gouvernemental des ONG se pose ici avec prégnance. Alors qu’elles se présentent comme des acteurs indépendants de toute contrainte politique, elles sont parfois – pour ne pas dire le plus souvent – les instruments d’une politique étatique des pays du nord. Des actions limitées et inadaptéesLa question de l’intérêt des ONG du Nord à agir au Sud se pose de façon d’autant plus prégnante que la portée de leur action semble limitée. En effet le nombre d’ONG n’a cessé de croître en Haïti – comme dans les pays en voie de développement en général – sans que les investissements financiers et humains ne modifient radicalement la situation d’extrême pauvreté du pays. La politique de développement que les ONG appliquent par exemple ici en Haiti semble à bien des égards inadaptée et pensée sur le mode occidental. Si les ONG du Nord et les institutions internationales affirment de plus en plus que les programmes de développement doivent être réfléchis par des organisations populaires du Sud pour que ceux-ci soient en adéquation avec la culture et le contexte de ces pays ; il n’en demeure pas moins que pour l’instant les ONG du Sud restent dépendantes des conceptions occidentales. Le modèle de partenariat doit être pensé pour aboutir à une relation horizontale entre acteurs du Sud et acteurs du Nord. Il semble en effet établi aujourd’hui que le développement ne peut se faire à la place des mouvements populaires, sans quoi il reproduira un néo-colonialisme qui limitera sa portée sur le long terme en recréant une dépendance du sud à l’égard du nord. Les ONG du Nord comme du Sud doivent désormais s’inscrire dans une dynamique de durabilité qui a manqué jusqu’à présent. Pour cela il faut que leur fonctionnement soit davantage envisagé en collaboration et dans le cadre d’un projet de société plus global qui passe par la conscientisation des masses et leur participation aux choix politiques, autrement dit une démocratisation. Gageons que les expériences locales de démocratie participative feront émerger une nation haïtienne capable de prendre son destin en main avec l’aide bienveillante de la communauté internationale dégagée de ses volontés de domination néo-coloniale. |
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