Centre d’accueil d’Yvoir pour demandeurs d’asile et familles "illégales" Aujourd’hui, lundi 28 janvier, j’ai rendez-vous avec Isabelle, assistante sociale au centre d’accueil pour demandeurs d’asile et familles "illégales" d’Yvoir. Il s’agit d’un centre ouvert, géré par la Croix-Rouge. Je décide d’y aller en train, histoire de me rendre compte du parcours que doivent faire les demandeurs d’asile et les familles "illégales" qui sont hébergés dans ce centre. Le trajet Bruxelles-Yvoir dure environ 1h40. Une fois à la gare d’Yvoir, les choses se compliquent puisqu’il n’y a pas de bus avant 4 bonnes heures pour aller jusqu’au centre et qu’il n’y a pas de navette de la Croix-Rouge à cette heure-ci non plus. J’appelle Isabelle. Elle vient me chercher en voiture, ce qui m’évite de marcher les 4 kilomètres qui séparent le centre d’accueil de la gare. Sur la route, nous avons dépassé plusieurs personnes qui faisaient le chemin à pied. Une rapide entrée en matièreDès notre arrivée, Isabelle est sollicitée par un couple. Ils sont Roms, viennent de Serbie et ont 4 enfants. Ils ont reçu 3 jours plus tôt un refus à leur demande de régularisation car ils n’ont pas de documents d’identité et ont fait déjà plusieurs demandes sous différentes identités. Apparemment, cette famille pose des problèmes dans le centre et le directeur a enclenché une procédure de transfert vers un autre centre. La coïncidence entre la décision de refus et la demande de transfert pose un problème. En effet, pour changer de centre, il est nécessaire de repasser au service dispatching à l’Office des Etrangers, la décision de refus étant accompagnée d’un ordre de quitter le territoire, il est très probable qu’ils se fassent arrêter au moment de leur passage à l’Office des Etrangers et placés en centre fermé en vue de leur expulsion. Ils demandent à Isabelle de contacter un avocat Prodéo (aide juridictionnelle). Isabelle leur explique qu’elle a déjà envoyé la demande mais qu’elle n’a pas encore reçu le nom de l’avocat désigné, qu’elle devrait le recevoir en fin d’après-midi et qu’elle les préviendrait à ce moment là. Ils veulent voir le directeur pour qu’il revienne sur sa décision de transfert. L’homme s’énerve très rapidement, le ton monte. Il menace de se tuer ou de tuer sa femme. Difficile de les calmer, ils finissent par sortir de la pièce.
Une autre famille Rom entre dans le bureau. C’est une famille de 10 enfants, pratiquement tous les membres de cette famille ont de gros problèmes de santé. Ils ont fait une demande de régularisation pour raison médicale et ont reçu un refus au stade de la recevabilité pour défaut de documents d’identité. Cette décision de refus est malheureusement due à une faute de leur avocat qui n’a pas joint à leur dossier les copies de leurs documents d’identité et des certificats médicaux... Isabelle leur conseille de prendre un autre avocat. Vu les problèmes de santé de cette famille et la nécessité pour eux de se rendre souvent à l’hôpital, une procédure de transfert a été déclenchée vers le centre d’accueil du "Petit Château" à Bruxelles. En effet, à Yvoir il n’y a pas d’hôpital et ils doivent faire à chaque fois beaucoup de kilomètres pour consulter. Ils attendent qu’une place se libère pour eux. Voilà le quotidien d’Isabelle, seule assistante sociale à suivre les familles "illégales" du centre d’Yvoir. Elle les oriente, les conseille, les écoute, voit avec eux ce qu’il est possible de faire pour régulariser leur séjour, etc... Le centre d’accueil d’YvoirLe centre d’accueil d’Yvoir est le plus ancien centre de la Croix-Rouge, il a été créé en 1990. Il a une capacité totale de 400 places, dont 120 sont réservées aux familles illégales. Quelques places sont également destinées au CARDA (centre d’accueil rapproché pour demandeurs d’asile). Le CARDA est un centre qui a été créé spécifiquement pour accueillir les demandeurs d’asile qui ont des troubles psychiatriques et qui posent des problèmes dans les autres centres. A l’origine, les bâtiments étaient occupés par des jeunes délinquants. Les bâtiments appartiennent toujours à l’association qui s’occupait de ces jeunes. La Croix-Rouge lui loue les locaux. Une des particularités du centre est son organisation en "foyers". Le centre est doté de plusieurs services. Le service social comprend 6 assistants sociaux pour les demandeurs d’asile, et une assistante sociale pour les familles "illégales". Le centre comprend également une permanence médicale. C’est elle qui gère les dossiers médicaux de chaque personne, qui prend les rendez-vous chez le médecin, le dentiste... Par ailleurs, un médecin vient tous les jours au centre. A son arrivée, chaque demandeur d’asile ou famille "illégale" se voit attribuer un assistant social, la permanence médicale leur propose de faire un test de dépistage de la tuberculose. Il y a également un service animation qui met, notamment, en place un projet d’intégration avec l’extérieur en collaboration avec des associations externes. Vous avez dit familles "illégales" ?La Croix-Rouge accueille des familles "illégales" depuis avril 2007. Les familles "illégales" sont des familles qui ne séjournent pas légalement sur le territoire belge, certaines vivent dans la clandestinité depuis de nombreuses années. Un grand nombre de ces familles ont erré plusieurs années en Europe avant d’arriver en Belgique. Beaucoup ont fait une demande d’asile mais sans succès. Leur demande ayant abouti à un échec, elles font des demandes de régularisation. Lorsqu’elles ne parviennent plus à subvenir aux besoins de leurs enfants, elles peuvent demander une aide sociale matérielle au Centre Public d’Action Sociale (CPAS). Cette aide se concrétise par un hébergement dans un centre d’accueil sur la base de l’arrêté royal du 24 juin 2004. Il fixe les conditions pour l’octroi d’une aide matérielle à un étranger mineur qui séjourne avec ses parents illégalement dans le Royaume. L’idée étant d’agir pour le bien-être de l’enfant, cette aide matérielle ne concerne que les familles avec enfants mineurs. L’accueil prend fin à la majorité des enfants. L’accueil de ces familles n’est donc pas lié à la légalité de leur séjour. Il y a là une réelle ambiguïté, puisqu’elles peuvent rester dans le centre mais n’ont pas droit au séjour. Les familles ont du mal à le comprendre, et bien souvent, elles assimilent, à tort, le droit à l’hébergement au droit au séjour.
La vie quotidienne dans le centre n’est pas facile. Bien que le centre soit ouvert, les sorties sont limitées de fait, d’une part, par la situation géographique du centre qui se trouve éloigné de tout, et d’autre part, par le manque d’argent (les résidents du centre ne perçoivent que quelques euros par semaine). Les résidents sont assistés dans toutes les tâches de la vie quotidienne. Pour la nourriture, un magasin se trouve à l’intérieur du centre. La quantité de nourriture distribuée est calculée en fonction du nombre de jours de présence au centre la semaine précédente. Les résidents disposent d’une cuisine et peuvent faire à manger eux-mêmes. Dans toutes les activités quotidiennes, ils doivent sans cesse faire appel au personnel du centre, rien n’est à leur disposition directe (ustensiles de cuisines, produits ménagers...). Sur le manque d’autonomie des personnes, la Croix-Rouge a un projet en cours. Ce projet viserait à les rendre plus autonomes. Plusieurs pistes ont été avancées comme la possibilité pour les personnes de gérer elles-mêmes leur dossier médical, de faire elles-mêmes les démarches d’inscription de leurs enfants à l’école, de leur mettre à disposition le matériel nécessaire au quotidien, ou encore de reverser aux familles une partie du budget animation pour qu’elles puissent gérer elles-mêmes leurs loisirs. En principe, les enfants vont à l’école. En revanche, les parents n’ont aucune activité, ils passent leur temps à attendre, ils n’ont aucune perspective. Leur vie est totalement suspendue... |
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