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Turquie / Exclusion urbaine /

Istanbul : vers une mobilisation associative pour les familles du bidonville d’Ayazma !
11 février 2008 par Derya

L’actualité associative s’intensifie sur le thème des projets de renouvellement urbain. Les associations se rassemblent et se mobilisent pour créer un "contre pouvoir" dans l’arrondissement de Küçükçekmece. Les 18 familles d’Ayazma sont au cœur des débats. Récit de cette semaine.

Réunion superflue ?

Le dimanche 3 février à 16h, à l’initiative de la plateforme associative de Küçükçekmece (Küçükçekmece S.T.K Insiyatifi), se tient une conférence sur le thème des projets de renouvellement urbain à la chambre de commerce. Cette conférence est sollicitée par l’association de solidarité et de sauvegarde de la plage de Küçükçekmece (Iç Dış Kumsalı Koruma ve Yaşatma Sivil Toplum Destekleme Derneği). La salle est comble. Le cœur amer, deux habitants du bidonville d’Ayazma se rendent bon gré mal gré à cette réunion. Déçus du peu d’intérêt de leur quartier, ils vont représenter les 18 familles d’Ayazma qui vivent dans les cabanons.

On écoute d’abord avec attention le directeur de l’association de solidarité et de sauvegarde de la plage de Küçükçekmece mais surtout l’un des habitants d’Ayazma. Le premier attire l’attention sur la loi 5366 de « rénovation pour la protection et l’usage des biens historiques et culturels détériorés », qui menace sévèrement tout site protégé. Son quartier en est un depuis 1976 en raison d’une lagune. Aucun projet de préservation architecturale ou environnementale ne se cache en réalité derrière cette loi. Il s’agit de vider les lieux de ses habitants, détruire et reconstruire. La mairie sait bien « où » il faut investir. Plus grave est cette mesure d’expropriation inscrite dans cette loi « au nom de l’intérêt public » qui ne donne pas de moyen d’action aux habitants. Le second relate les événements dans son bidonville, Ayazma : les stratégies malhonnêtes de la mairie, le dispersement des locataires, les promesses non tenues de la mairie et enfin les 18 familles menant leur lutte pour le droit au logement. Les invités font leur discours tour à tour : Özgür Temiz, urbaniste, puis Murat Cemal Yalçıntan, professeur en urbanisme à l’université de Mimar Sinan et enfin Erbay Yücak, avocat. Ces belles paroles font l’apologie de la mobilisation.

On apprend rien de nouveau, au mieux on s’informe dans le public, aux mieux on se révolte contre le gouvernement et sa politique : « ils sont en train de vendre la Turquie ! On veut effacer l’Histoire, nous rendre étranger à nous-même ! [...] Une société silencieuse est destinée à mourir. » Exact. Mais ce type de réunion apparaît superflu pour les habitants dans les cabanons, pour les militants du quotidien. Alors que reste-t-il à faire ? L’un des intervenants dit que le « cas Ayazma » va être traité lors d’une réunion spécifique dès la semaine prochaine. Le déplacement des deux habitants valait-il donc la peine ?

Vers l’action ?

Le jeudi 7 février à 19h, la plateforme se réunit dans les locaux d’un syndicat ouvrier dans le quartier de Sefaköy à Küçükçekmece. L’ordre du jour : Ayazma et les 18 familles. En quelques jours, tous ces débats autour des projets de rénovation urbaine et de la mobilisation semblent avoir des effets : 11 pères de famille, une mère et sa fille sont présents. On n’est pas ici pour un énième discours sur les projets de la mairie ou pour écouter la misère des habitants ; on est ici pour penser des solutions comme le souligne l’avocat Erbay Yücak, qui dirige la réunion.

Il n’existe pas de solution miracle. Les visites de quartier apportent un soutien moral et psychologique aux habitants mais ne changent pas les situations –ici cette situation « extrême ». Alors que faire ? Renforcer la société civile et former un contre pouvoir face aux élus. Si la plateforme accepte de mener ce combat et de faire entendre le cas de ces familles, elle peut endosser cette mission. L’important est de ne pas laisser seul ces familles dans cette lutte et dans leur relation avec la mairie. Plus on sollicite les élus, plus on s’oppose, plus on dérange.

La plateforme accepte ce combat. Tout le monde est concerné par ces « projets de ville ». Les habitants d’Ayazma doivent constituer un dossier avec tous les papiers officiels pour la plateforme. L’avocat insiste : « la plateforme doit être apolitique. » Effectivement, la force d’un combat est quand elle est apolitique et objective. Il faut se défendre à partir des faits réels. Il est écrit : « il ne va plus rester de constructions illégales ou d’habitants vivant dans des constructions illégales [...] des propriétaires aux locataires, il va y avoir une solution pour tous » dans la première lettre envoyée par la mairie à Ayazma. Cela ne sert à rien de polémiquer –en particulier par rapport aux origines kurdes des habitants. Surtout que les pratiques frauduleuses des habitants relogés et les marchandages avec la mairie sont clairement visibles ici –des habitants d’origine kurde.

Le rendez-vous est pris pour la semaine prochaine. Les familles d’Ayazma sortent peu à peu de leur bidonville en ruine et tissent des liens avec les réseaux associatifs de leur arrondissement. Ayazma est devenu la cause des militants de tout un arrondissement ! Enfin. Au bout de 10 mois dans les cabanons, vaut mieux tard que jamais !




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