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Belgique / Droit des étrangers /

Sur la route de l’exil : Somalie... Belgique
12 février 2008 par Diane

William est ressortissant somalien. La fuite de son pays a été le début d’un long parcours d’errance en Europe. Aux traumatismes de ce qu’il a vécu en Somalie, de la fuite s’est ajouté celui de l’accueil inhumain qui lui a été réservé en Europe.

En Somalie

William est né en 1972 à Mogadiscio. A l’âge de 5 ans, il est parti vivre à Gabiley dans le nord de la Somalie. William s’est marié à 19 ans et il a eu trois enfants.

L’appartenance de sa femme à un clan minoritaire a généré un conflit avec les membres de son propre clan qui étaient contre cette union. Son clan soutenait le régime de Siyad Barre, son père y participait comme militaire, sergent chef. Ce conflit clanique a eu des conséquences tragiques. Un jour, de retour chez lui, William a trouvé sa femme et ses trois enfants assassinés.

En tant que fils d’un soldat du régime de Siyad Barre, William a été considéré comme responsable de l’assassinat de sa famille. Il s’est fait arrêté, il a été mis en prison et a été torturé. Il a été libéré au bout de 6 mois.

La fuite vers l’Europe

A sa sortie, William a fui vers l’Éthiopie où il est resté deux mois. Grâce à l’aide financière de son oncle, William a pu s’envoler vers le Yémen, puis vers la France. Arrivé à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle en février 2000, il est entré sans difficulté en France avec un passeport falsifié. William a pris ensuite le train pour Mulhouse, il n’est pas resté à Paris. Là-bas, il a vécu clandestinement sans aide financière, il travaillait au noir, il dormait dans des caves, de temps en temps chez des amis. Il survivait difficilement, n’ayant parfois rien d’autre à manger que des restes de nourriture trouvés dans une poubelle. William a mené cette vie pendant trois ans. En France, William s’est converti au Christianisme. Il a fini par demander l’asile en septembre 2003. Pourquoi si tard ? Parce qu’en voyant la situation difficile dans laquelle se trouvaient des ressortissants somaliens qui avaient demandé l’asile en France, William a eu peur de se retrouver dans leur "galère". William a reçu une réponse négative deux semaines seulement après avoir formulée sa demande. Cette décision était accompagnée d’un ordre de quitter le territoire.

William a pris le train en direction des Pays-Bas. Il a demandé l’asile une semaine après son arrivée. Lors de sa demande il n’a pas dit qu’il était passé par la France et qu’il y avait demandé l’asile. C’était sans compter le fichier Eurodac dans lequel sont enregistrées les empreintes des demandeurs d’asile en Europe, les autorités hollandaises ont trouvé ses empreintes dans le fichier et ont vu qu’il avait déjà demandé l’asile en France. Sa demande d’asile a été rejetée au motif qu’il n’avait pas dit la vérité. Il a eu un ordre de quitter le territoire de 24 heures.

La procédure d’asile a duré un mois, pendant ce temps, William était hébergé dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Toutes les sorties du centre étaient contrôlées. William n’a pas supporté cette atteinte à sa liberté. Pour échapper à ce contrôle, il a creusé un trou sous le grillage, et sortait et entrait par là. C’était son passage vers la liberté. Lorsque William a reçu sa décision négative et son ordre de quitter le territoire, il a continué à dormir "clandestinement" dans le centre en utilisant son passage. Au bout de deux semaines, il s’est fait repérer. Quand cela s’est produit, il était minuit et il faisait - 5°C dehors. Les gardiens lui ont dit qu’il devait partir, mais il a refusé. Ils ont alors accepté qu’il reste la nuit à condition qu’il parte à 6h00 du matin. A sa sortie, il n’avait pas d’argent, pas de bus avant une heure, un des gardiens qui rentrait chez lui l’a déposé à la gare d’Amsterdam.

William a pris le train pour Bruxelles le 7 novembre 2003. Il n’avait pas de ticket et le contrôleur a appelé la police. Cette dernière l’attendait à la gare du Midi, à Bruxelles. Les policiers l’ont emmené au poste et l’ont mis dans un cachot. Au bout de 5h00, les policiers lui ont demandé de signer des papiers écrits en néerlandais. William a signé sans chercher à comprendre, il voulait en finir. Puis les policiers lui ont dit qu’il devait quitter le territoire dans les 5 jours. A aucun moment, les policiers ne lui ont donné à manger ou à boire, William n’a pas eu, non plus, la possibilité de se laver, chose qu’il n’avait pas faite depuis plusieurs semaines. A sa sortie, William est allé vers la gare Bruxelles Centrale. Il avait très faim, il était désespéré. A côté de la gare, se trouve la cathédrale Sainte Gudule. William y est allé et il a raconté toute son histoire à une femme. Cette personne l’a écouté et l’a emmené au restaurant pour qu’il puisse manger. Ensuite, elle l’a accompagné au Samu Social pour qu’il puisse y passer la nuit. Il y a passé 2 nuits puis il a été orienté vers un autre centre d’hébergement d’urgence où il a passé 4 nuits. De là, un bus l’a emmené avec d’autres à l’Office des Etrangers, c’est comme ça que, le 12 novembre 2003, William a demandé l’asile en Belgique.

La descente aux enfers

Dès le début de la procédure, William a été hébergé dans le centre d’accueil pour demandeur d’asile d’Hastière, géré par la Croix-Rouge. Dans ce centre, à l’exception des femmes faisant partie du personnel, il n’y avait que des hommes.

Ce centre, comme tous les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, est ouvert, ce qui signifie qu’il est possible d’en sortir. Mais les sorties sont contrôlées et réglementées. Hormis quelques euros d’argent de poche par semaine (à peine de quoi s’acheter un paquet de cigarettes), les demandeurs d’asile n’ont pas d’argent ce qui limite considérablement les sorties. En effet, sortir pour faire quoi, pour aller où ? Une promenade à la campagne et ensuite ? Tout est organisé autour de la vie de groupe, les activités, la vie quotidienne. William n’a pas supporté cette vie communautaire où le libre choix n’a pas sa place. Toute sa vie quotidienne était un enfer car il ne pouvait pas sortir sans être contrôlé, il ne pouvait pas manger ce dont il avait envie, ni regarder le programme télévisé de son choix. Toute sa vie était calquée sur celle des autres. Il avait l’impression d’être un animal, réduit à manger et dormir, l’impression d’être traité comme un bébé à qui on dit ce qu’il faut faire et ne pas faire. C’est là que William a commencé à boire de l’alcool, beaucoup trop d’alcool. Il est devenu violent et faisait tout pour ne plus vivre dans ce centre. Un soir, n’en pouvant plus, il a cassé la télévision et s’est battu avec les autres, mécontents.

A la suite de cet incident, William a été transféré dans un autre centre, celui d’Yvoir. Ce centre est également géré par la Croix-Rouge. Il a pu voir un psychologue, Paul J. qui travaille à Namur. Il le voyait une fois par mois. Paul J. était la seule personne à qui William pouvait parler, il a été un repère, un soutien très important pour lui. En 4 ans, William a connu 12 centres. Il était transféré d’un centre à un autre parce qu’il posait trop de problèmes. L’état psychologique de William s’est aggravé au fil du temps, en plus du cumul de l’alcool et des médicaments, William est devenu toxicomane. La vie dans les centres était pour lui de plus en plus insupportable, pour en sortir il a tenté de se suicider en mettant le feu à sa chambre.

William est resté un an dans un centre psychiatrique. A sa sortie, il a été autorisé à vivre dans une ILA (Initiative locale d’accueil). Les ILA sont des structures d’accueil gérées par les communes, les demandeurs d’asile y sont en principe hébergés lorsqu’il n’y a plus de places disponibles dans les centres d’accueil fédéraux. L’hébergement se fait en général dans des logements privés. Les personnes sont donc plus autonomes que dans les centres.

Multiples demandes d’asile et demande d’autorisation de séjour pour circonstances exceptionnelles

William a demandé l’asile en Belgique le 12 novembre 2003. En Belgique aussi, on a trouvé ses empreintes dans le fichier Eurodac. La Belgique a fait une demande de reprise à la France, premier pays européen dans lequel il avait demandé l’asile mais elle a refusé. La Belgique a donc fait une demande de reprise aux Pays-Bas, mais vu que William était en Belgique depuis déjà un an, les Pays-Bas ont estimé qu’ils n’étaient plus responsables de sa demande d’asile. La Belgique a donc accepté de traiter la demande d’asile de William. Cette dernière a été rejetée le 3 novembre 2005 au stade de la recevabilité par le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA).

Le 8 mai 2006, William a fait une demande d’autorisation de séjour pour circonstances exceptionnelles. Cette demande se basait tant sur son état de santé que sur l’impossibilité de retour vers la Somalie.

Par la suite, William a formulé trois demandes d’asile, successivement le 9 mai 2006, le 11 septembre 2006 et le 16 janvier 2007. Aucune de ces demandes n’a été prise en considération. Inutile de dire que l’état psychologique grave dans lequel se trouvait William a joué en sa défaveur. En effet, d’une interview à l’autre, il ne racontait pas la même histoire, il n’était pas cohérent.

Devant ces échecs et par désespoir, William a même demandé son rapatriement volontaire en Somalie par l’intermédiaire de l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations). Vu l’impossibilité de retour en Somalie, cette procédure n’a pas abouti.

En juillet 2007, William a fait une cinquième demande d’asile. Sa demande d’asile a finalement été prise en considération. Pourquoi maintenant ? Peut-être que ce changement peut s’expliquer par l’amélioration de son état de santé et qu’il était, par conséquent, plus à même de raconter son histoire, peut-être aussi par le fait qu’il a été assisté dans ses démarches, par J. Maenaut, juriste au Siréas (Service International de Recherche, d’Education et d’Action Sociale) à Bruxelles. De plus, il a été en mesure de présenter un élément nouveau, un document émanant de l’ambassade de Somalie à Paris attestant de sa conversion de l’Islam au Christianisme et des risques de persécution qu’il encourrait en cas de retour en Somalie en raison de sa religion. Lors de l’interview au CGRA, plusieurs questions lui ont été posées sur ce qui s’était passé en Somalie et sur le Christianisme. On ne lui avait jamais rien demandé auparavant.

La fin du calvaire, le début d’une nouvelle vie

En août 2007, William a reçu une réponse positive à sa demande d’autorisation de séjour pour circonstances exceptionnelles. William a donc été mis en possession d’une carte blanche d’un an. En revanche, cette carte ne lui permet pas de travailler, ce qui provoque en lui un sentiment d’incompréhension, il se sent rabaissé, il a l’impression qu’on le sous-estime. A la place, William perçoit une aide financière du Centre Public d’Action Sociale (CPAS) d’un montant de 657 euros par mois. Avec ça il doit payer son loyer et subvenir à tous ses besoins, cette aide lui permet juste de survivre. William travaille quand même volontairement 3 jours par semaine et prend des cours de néerlandais.

Début 2008, il a reçu une réponse positive à sa dernière demande d’asile, William a été enfin reconnu réfugié au bout de 8 ans d’errance et après 7 demandes d’asile en Europe !!! A ce jour, William ne boit plus d’alcool depuis un an et trois mois. Il devrait recevoir une nouvelle carte blanche qui lui donnera, cette fois-ci, l’autorisation de travailler.




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