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Belgique / Droit des étrangers /

Sur la route de l’exil : Afghanistan... Belgique 1
4 février 2008 par Diane

Naïb a 26 ans, il est ressortissant afghan et vit en Belgique depuis maintenant 4 ans. Lors de son départ d’Afghanistan, Naïb n’avait pas encore 17 ans. Il a fait le choix difficile de quitter son pays, sa famille car pour lui la vie y était devenue impossible. Quitter son pays, mais sans objectif précis si ce n’est de trouver un endroit où la vie sera plus facile… Sa quête d’une vie meilleure a durée cinq ans, cinq ans de survie à travers l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Italie et la France.

Lors de son départ, Naïb est allé en Iran, pays voisin de l’Afghanistan. Il y est resté un an et demi. Puis il a rejoint la Turquie et y a vécu 20 mois. La Turquie est si proche de la Grèce, porte de l’Europe, qu’il était difficile de ne pas prolonger sa route vers l’Ouest.

En route vers la Grèce…

Arriver jusqu’en Grèce n’a pas été facile, au contraire, cette entreprise a été longue et périlleuse. En effet, pour atteindre la Grèce, il faut traverser les quelques kilomètres de mer séparant la Turquie des îles grecques les plus proches de la côte turque à bord d’un dinghy, petit canot pneumatique, et de préférence la nuit pour éviter de se faire arrêter. Plusieurs tentatives ont été nécessaires. Les trois premières ont été soldées par un échec. Les gardes-côtes grecs, en bons gardes-frontières de l’Europe ont tout fait pour dissuader les exilés de venir en Grèce. Ils leur ont dit de faire demi-tour, de rentrer chez eux, qu’ils n’étaient pas les bienvenus en Grèce, ils n’ont pas hésité à leur tirer dessus à balles réelles et les ont ramenés en Turquie ! Mais avant ça ils pouvaient les laisser plusieurs heures dans leur petit canot sans nourriture ni eau. A chaque tentative, Naïb ne savait pas s’il s’en sortirait vivant, à chaque fois l’angoisse le tenaillait, la peur de ne pas savoir s’il allait y arriver, de ne pas savoir où il était au milieu de cette étendue d’eau ne le quittait pas.

A la quatrième tentative, Naïb et 14 autres personnes, dont deux enfants ont embarqué à bord d’un dinghy. Les gardes-côtes grecs n’ont pas voulu les secourir immédiatement, ils les ont laissés dans leur bateau, sans rien à manger ni à boire, pendant plusieurs heures. Ce n’est que lorsque le bateau s’est renversé qu’ils sont intervenus et les ont ramenés sur l’île de Chios.

Dès leur arrivée en Grèce, ils ont été conduits au poste de police où leurs empreintes ont été prises. Ils y sont restés une semaine. Puis ils ont été emmenés dans un camp. Les conditions de vie dans le camp étaient très difficiles, ils n’avaient qu’un repas par jour, les locaux étaient insalubres. La Croix-Rouge était présente et leur distribuait de la nourriture. Dans le camp, il y avait des africains, des asiatiques, des palestiniens. Naïb n’a pas fait de demande d’asile. Après trois mois de détention, il a été libéré. On lui a donné une carte de séjour de 6 mois l’autorisant à travailler. Les autorités grecques ne lui ont jamais expliqué pourquoi il avait été enfermé dans ce camp, ni pourquoi il en avait été libéré.

Après sa libération, Naïb est allé à Athènes. Il y a travaillé sur des chantiers. A l’expiration de sa carte, il n’a pas demandé à rester de manière officielle. Il est resté trois mois de plus dans la clandestinité, et a survécu grâce à des petits boulots et à une aide matérielle qu’il a pu trouver auprès des églises.

Aller toujours plus loin vers l’occident…

Déterminé à continuer son chemin, Naïb a rejoint la ville de Patras, port de départ d’un grand nombre de bateaux à destination de l’Italie. Il s’est caché dans un camion qui embarquait pour l’Italie, le voyage a duré un jour et une nuit, durant lesquels il n’a ni mangé ni bu.

Naïb a passé l’hiver en Italie. Cette période a été très difficile pour lui. En Italie, il vivait et dormait dans la rue. Seules les églises et la Croix-Rouge l’ont aidé dans sa survie en lui donnant des vêtements et de la nourriture. Il n’a pas demandé l’asile, et face à ces conditions de vie, il est parti au bout de 5 mois pour la France. A aucun moment, il n’avait imaginé que les conditions d’accueil des exilés en Europe, présumée terre des Droits de l’Homme, étaient aussi inhumaines.

Demande d’asile en France... une tentative avortée

Pour la première fois depuis son départ d’Afghanistan, Naïb a voulu demander l’asile. Il s’est donc rendu au Centre de réception des étrangers de la Préfecture de Police situé rue d’Aubervilliers à Paris. Il y est allé très tôt le matin et a fait la queue sur le trottoir pendant 3 à 4 heures, attendant l’ouverture du centre de réception. Au moment de franchir la grille et d’accéder aux locaux du centre, l’agent de la Préfecture de Police lui a déclaré qu’il ne pouvait pas entrer et qu’il fallait qu’il revienne le lendemain. Bien que totalement illégal, ce genre de pratique est très courant, il s’agit de dissuader les exilés de demander l’asile en France. Cette expérience a eu l’effet escompté, Naïb n’y est plus jamais retourné !

Il est resté à Paris pendant 6 mois, errant dans la rue aux abords des gares du Nord et de l’Est. Beaucoup d’Afghans, d’Irakiens, d’Iraniens en exil se retrouvent là depuis la fermeture de Sangatte. Certains demandent l’asile en France, d’autres reprennent la route, notamment vers l’Angleterre. Ils sont dans les parcs la journée et essayent d’avoir une place pour la nuit dans le cadre du plan d’hébergement d’urgence des SDF à Paris. S’il n’y a pas de place, ils dorment dehors, dans la rue.

En France, Naïb a reçu le soutien de plusieurs associations. Il a rencontré le Collectif de soutien des exilés du 10ème arrondissement de Paris qui effectue des maraudes quotidiennes, d’une part, pour vérifier la bonne application du plan d’hébergement d’urgence, et d’autre part, pour répondre aux questions des exilés. Via le Collectif, il a été mis en relation avec le Gisti, qui a essayé de l’aider dans ses démarches. Bien que majeur, Naïb a tenté sa chance et s’est déclaré mineur. Il a donc été orienté vers France Terre d’Asile (FTDA). FTDA assure, dans un premier temps, un hébergement d’urgence aux mineurs isolés étrangers, elle les aide dans leur procédure d’asile, et les réoriente ensuite vers l’Aide Sociale à l’Enfance pour une prise en charge d’Etat. Doutant de la minorité de Naïb, FTDA lui a fait faire un test osseux à l’hôpital pour vérifier son âge. Il a été reconnu comme mineur âgé de 17 ans et 3 mois ! A FTDA, il était hébergé, avait accès à des cours de français et d’informatique. Naïb aurait pu rester en France jusqu’à ses 18 ans, mais il savait qu’après il n’aurait pas eu de réelles possibilités de rester en France et d’obtenir une carte de séjour. En effet, le système de protection des mineurs isolés étrangers n’offre aucune perspective de séjour pour les jeunes majeurs arrivés en France peu de temps avant leur majorité. Naïb n’est donc resté qu’un mois à FTDA et a préféré rejoindre les exilés dans la rue.

Vu les difficultés rencontrées pour demander l’asile, vu l’impossibilité d’obtenir une carte de séjour après sa majorité et vu les conditions de vie difficiles, Naïb a préféré poursuivre son chemin vers la Belgique.

La Belgique... fin du voyage

La première chose qu’il a faite en arrivant en Belgique a été d’aller boire une bière avec son compagnon de route. Il a passé sa première nuit à la gare du Midi à Bruxelles, c’est là que des Iraniens lui ont expliqué que pour demander l’asile il fallait se rendre à l’Office des Etrangers. C’est ce qu’il a fait le lendemain. Il a été considéré comme mineur de 17 ans. En Belgique, Naïb n’a eu aucune difficulté pour faire enregistrer sa demande d’asile. Dès le début de la procédure d’asile, il a été hébergé au " Petit château " à Bruxelles, dans la partie réservée aux mineurs. Le "Petit château" est un centre d’accueil ouvert pour les demandeurs d’asile, ces derniers y sont hébergés, nourris, blanchis tout le temps de la procédure.

Naïb a reçu une décision négative à sa demande d’asile, il a fait un recours et il attend la décision. Aujourd’hui, Naïb est régularisé mais cela ne tient qu’au hasard de la vie qui l’a conduit à se marier à une Belge. Il est papa d’un petit garçon de deux ans.




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