Quand la grève de la faim devient le seul critère de régularisation pour les étrangers ayant des attaches durables en Belgique Le 31 octobre 2007, 12 sans-papiers algériens et marocains ont obtenu un titre de séjour de 6 mois renouvelables sur la base de l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980 après avoir fait la grève de la faim durant 43 jours. Cette régularisation a été vécue comme une grande injustice pour les milliers de sans-papiers qui n’arrivent pas à être régularisés malgré leurs attaches durables en Belgique. En dépit des multiples occupations de lieux publics par les sans-papiers, la question de leur régularisation est toujours restée lettre morte. Dès lors, les sans-papiers en déduisent que "pour être régularisé aujourd’hui en Belgique, il faut faire la grève de la faim". Une grève de la faim symbolique de 48h00Suite à cette régularisation, 60 sans-papiers ont lancé, le jeudi 15 novembre 2007, une grève de la faim symbolique de 48h00 pour dénoncer ce critère de régularisation. Ils ont très vite été rejoints par de nombreux autres sans-papiers, on pouvait compter au final près de 300 grévistes de la faim. Cette action s’est déroulée à Schaerbeek, rue Van Oost, dans des locaux mis à la disposition des sans-papiers par la Fédération générale du travail en Belgique (Fgtb), syndicat socialiste. Outre le soutien de la Fgtb, ce mouvement a également été soutenu par l’Union des sans-papiers de Bruxelles (UDEP). Les 300 sans-papiers ont demandé à rencontrer le ministre de l’intérieur M. Dewael afin de lui soumettre leur dossier et dénoncer l’arbitraire des décisions prises par son administration. Ils tenaient, par ailleurs, à ce qu’il réponde à la question suivante : "Est-ce que pour les personnes ayant des attaches durables en Belgique, la grève de la faim est le nouveau critère de régularisation appliqué par son administration, l’office des étrangers ?" Cette question est demeurée sans réponse. Devant le mutisme du ministre de l’intérieur et de son administration, les sans-papiers ont repris leur mouvement d’occupation. Depuis le 15 décembre 2007, ils occupent un bâtiment de la Communauté française situé en plein cœur de Bruxelles au 91 rue Royale. Une grève de la faim illimitée jusqu’à la régularisation collective
160 sans-papiers occupent le bâtiment de la Communauté française avec laquelle ils ont signé un contrat. Parmi eux se trouvent des hommes, des femmes et des enfants. Ils sont Algériens, Marocains, Tunisiens, Mauritaniens, Egyptiens, Togolais, Equatoriens, Colombiens, Iraniens, Guinéens, Kurdes... et vivent tous en Belgique depuis de nombreuses années. Ils vivent dans la clandestinité, dans la peur d’être arrêtés, ils n’ont d’autre choix que de travailler au noir et se font exploiter. Ils vivent dans le présent, sans espoir de futur et réclament leur droit de vivre dans la dignité. Face à l’indifférence affichée du ministre de l’intérieur M. Dewael à la question qui lui avait été posée en novembre 2007 - question qui n’a cessé d’être relayée par les députés, les avocats, les associations et les syndicats qui soutiennent les sans-papiers -, ces derniers ont opté pour le choix du désespoir et ont décidé, le mardi 1er janvier 2008, de commencer une grève de la faim illimitée jusqu’à la régularisation collective de leur situation administrative. Seules les femmes qui ont des enfants ne font pas la grève de la faim, tous les autres ne s’alimentent plus depuis déjà 28 jours ! Le nombre important de grévistes pose le problème du suivi médical. Malgré tout, les grévistes s’organisent, ils essaient de rendre leur mouvement plus visible, de multiplier les actions à travers tout le pays de manière à renforcer leur action. Donner une visibilité au mouvement, multiplier les actions
Depuis le début de la grève de la faim, les porte-paroles des grévistes se sont réunis à deux reprises afin de déterminer un plan d’action. Plusieurs actions ont été décidées, notamment celle du Cercle du Silence. Le principe est de faire un cercle silencieux autour des promesses de régularisation des sans-papiers faites par le PS et le CDH qui ne les ont pas tenues une fois entrés dans le gouvernement intérimaire. Le silence signifie que tout a été dit sur la question, qu’il est désormais temps d’agir ! Le Cercle du Silence se tiendra chaque mercredi à 18h00 pendant 30 minutes dans plusieurs villes de Belgique et devant un lieu symbolique. A Bruxelles, il avait été décidé de faire ce cercle autour de la Colonne du Congrès, au pied de laquelle se trouve la flamme du soldat inconnu. Finalement, l’autorisation n’a pas été donnée et le premier Cercle du Silence a eu lieu, mercredi 23 janvier, à quelques mètres de là, place de la Liberté. Il a également été décidé de multiplier les occupations de bâtiments publics partout en Belgique, avec ou sans grève de la faim.
A l’occasion du Forum social mondial qui a eu lieu samedi 26 janvier 2008, une manifestation de soutien aux grévistes est partie de la Bourse pour rejoindre l’occupation rue Royale, via l’Office des Etrangers. Cette manifestation n’a pas rassemblé beaucoup de monde, mais elle a quand même permis de montrer aux grévistes qu’ils étaient soutenus. Par ailleurs, une action choc a été envisagée, celle de faire une journée de grève nationale du travail de tous les sans-papiers (la Belgique compte 100 000 à 150 000 sans-papiers). Une telle action est difficilement réalisable car elle supposerait, pour avoir un impact fort, la participation de tous les sans-papiers. Il est clair que les sans-papiers non syndiqués ne prendront pas le risque de perdre leur travail ni même celui de perdre une journée de salaire. Une telle action impliquerait donc la collaboration de tous les syndicats nationaux. D’une part, pour permettre aux sans-papiers de se syndiquer à des conditions favorables et de garantir aux grévistes le paiement de la journée non prestée ; d’autre part, pour organiser et médiatiser une telle grève. Vers un renforcement de la coopération des acteurs de terrain à l’échelle européenne ?Unifier les luttes sur le plan national est sans conteste capital, mais la question des sans-papiers n’est pas propre à la Belgique. Au contraire, elle ne fait que répéter à l’identique des situations européennes. Prenons pour seul exemple, celui de la grève de la faim des sans-papiers qui a eu lieu à Lille durant l’été 2007. Ce mouvement a rassemblé une centaine de personnes, et sur une cinquantaine de dossiers réexaminés, seuls 26 ont abouti à une régularisation. En France, nombre de sans-papiers vivent dans la détresse en attente d’un sort meilleur, de même qu’en Belgique et que partout ailleurs en Europe. Ils sont là mais n’ont pas de droits, ils sont exploités et pourtant participent à l’enrichissement culturel et économique de l’Europe, ainsi qu’à celui de leur pays d’origine. Indifférente à cette réalité, l’Union européenne (UE) ne parle que de gestion des "flux migratoires", de renforcement du contrôle de ses frontières extérieures, sans jamais faire état de la situation inadmissible dans laquelle se trouvent les sans-papiers en Europe. Situation pourtant provoquée par sa propre politique d’asile et d’immigration, dont l’application sur le plan interne ne se traduit que par des règlementations et des pratiques administratives arbitraires et dissuasives. Comment faire pour obtenir de l’UE qu’elle protège les droits des migrants et non qu’elle les bafoue ? A un problème européen, ne faudrait-il pas répondre par une lutte unifiée à l’échelle européenne ? A l’évidence la réponse est oui. Il est donc urgent de renforcer la coopération entre les différents acteurs de terrain des pays européens de manière à inscrire les luttes dans un cadre européen. N’est-ce pas justement ce vers quoi tend l’action d’Echange & Partenariat ?! Site de l’UDEP : http://sanspapiers.skynetblogs.be/ |
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