L’appartement où vit « la vieja » est une « casa de quartz », petit appartement de 24 m2 comme il y en a des milliers, ils résultent de la subdivision d’anciennes maisons en appartements. Aujourd’hui dans cet immeuble qui fut grouillant de vie, elle est la dernière locataire, elle, et son mari invalide qui ne sort plus. Elle n’ose pas faire appel aux services sociaux de crainte qu’ils ne la dénoncent , alors elle se tait et se débrouille seule avec les voisins complices ; Elle ne veut pas partir et « préfère mourir » plutôt que de quitter le quartier. Son appartement c’est sa vie, des milliers de souvenirs l’habitent et couvrent les murs. Lorsqu’elle nous montre son bail à vie ( 20 euros de loyer par mois) elle a les larmes aux yeux, ce qu’elle tient dans les mains c’est ce qui la protège et assure sa dignité. Elle est pauvre, très pauvre, mais elle s’en sort grâce à la solidarité, ici tout le monde s’arrange pour lui demander des petits services et en contrepartie lui assurer de quoi se nourrir, elle apporte les courses, prépare les repas et aide des personnes plus âgées qu’elle !!

Une habitation digne, c’est quoi ?

Le propriétaire a laissé pourrir l’immeuble et prétend maintenant que le toit risque de lui tomber sur la tête, mais il veut surtout construire un ascenseur pour louer plus cher ou pour vendre. Impossible à faire dans cet immeuble dont la structure est fragile, il faut casser et il faut surtout que la "vieja" parte, alors on lui propose de l’argent. Ce n’est pas ce qu’elle veut. Non, elle n’en veut pas, elle ne veut pas non plus de cet ascenseur qui la menace, elle ne veut pas de salle de bain immense, ça ne l’intéresse pas, elle n’en a jamais eu. Ce qu’elle veut c’est finir ses jours là où toute sa vie a un sens, là où elle est reconnue.

On lui dit qu’il lui faut une habitation digne. Mais c’est quoi une habitation digne et pour qui ? je ne pense pas qu’il y ait des normes pour décider de là où il faut vivre ! Un logement digne ce n’est pas seulement un espace confortable, c’est aussi un lieu qu’on peut habiter dignement, c’est tout un ensemble qu’on habite, un quartier, des commerces, des rues et les autres, ce qu’on appelle le lien social, or c’est ça qu’on lui détruit à la fin de sa vie. Son appartement rénové lui conviendrait, il faut sans doute améliorer la sécurité. Mais a-t-on le droit au nom de la spéculation de laisser se dégrader des immeubles avec les habitants à l’intérieur pour ensuite les expulser au nom de la sécurité, de la dignité ?

Asf, une contre expertise au service des habitants

C’est une représentante d’une association d’habitants qui nous a signalé le cas de la « vieja », elle souhaitait que ASFdise où en est l’état de la maison. Car ASF commence à être connu sur le quartier, l’association intervient auprès des habitants en produisant des contre expertises sur le bâti, les modes de vie…. Nous y sommes allés à trois (architectes, sociologue), la représentante de l’association servant de médiatrice et d’interprète…en espagnol. La contre expertise est en cours mais sans doute la vieja devra partir. Il va falloir se mobiliser et l’aider avec les associations à obtenir un logement dans le quartier, là où elle veut vivre, avec un bail qui la protège et un petit loyer. Il faut refuser l’argent qu’on lui propose en la laissant se débrouiller ensuite seule et trouver une solution qui la respecte ! Décidément, que ceux qui expulsent au nom de la spéculation ne parlent pas de dignité !