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Italie / Agriculture paysanne et travailleurs migrants saisonniers /

Foggia : l’hébergement des saisonniers prend des allures de ghetto
21 novembre 2007 par Cristina

La région des Pouilles a financé la création de plusieurs structures d’hébergement pour les travailleurs migrants saisonniers. On les appelle « alberghi diffusi », ce qui désigne habituellement en Italie des structures touristiques haute de gamme au milieu de la nature. Le premier de ces centres a été inauguré le 17 novembre 2007 à dix km de Foggia. Les autorités locales s’enorgueillissent de leur action, les associations et syndicats approuvent, la presse relaie l’info. Et pourtant, ce centre n’a rien d’un hôtel de luxe, ni d’un lieu d’intégration et d’échanges…il renvoie plutôt l’image d’un ghetto doré au milieu de nulle part.

Dans la région des Pouilles, au sud-est de l’Italie, des centaines de travailleurs migrants sont employés dans le secteur agricole, en particulier pendant la période estivale des cueillettes de fruits et légumes. Ces travailleurs, originaires principalement d’Europe de l’Est et d’Afrique, sont pour la plupart exploités sur le marché parallèle du travail, régi par la criminalité organisée, dans des conditions très graves de violations des droits humains.
Ce phénomène, connu depuis longtemps par les institutions et organisations locales, a été porté à la connaissance de l’opinion publique italienne et internationale seulement en 2006, à travers le reportage d’un journaliste italien : Io, schiavo in Puglia (J’ai été esclave dans les Pouilles) de Fabrizio Gatti. Ce dernier y dénonçait les conditions de vie et de travail « esclavagistes » de centaines de travailleurs migrants exploités dans la cueillette des tomates, l’ « or rouge » du département de Foggia, au Nord des Pouilles.
A la suite de la publication de cet article et de ses répercussions, les institutions de la région se sont mobilisées. Parmi les deux initiatives les plus importantes, il y a une loi pour contrer le travail illégal, et un projet de création de trois centres d’hébergement pour travailleurs saisonniers communautaires et extra communautaires employés dans le secteur agricole du département de Foggia.

Le premier « Albergo diffuso » ouvre ses portes

430 000 euros ont été mobilisés par la région des Pouilles pour l’ouverture du premier « albergo diffuso », situé quelque part au milieu de la campagne sur la route qui va de Foggia à Manfredonia, dans le nord des Pouilles. Ce centre met à la disposition des travailleurs immigrés, en séjour régulier et avec un contrat de travail, 50 places d’hébergement. Les étrangers doivent monnayer 5 euros pour y passer la nuit et 3 euros pour un repas.
La structure, moderne et fonctionnelle, est dotée d’un réfectoire, d’une salle Internet et d’un cabinet médical. Une permanence juridique sera aussi disponible pour renseigner les étrangers et les accompagner dans leurs démarches administratives.
La cérémonie d’ouverture, très attendue, a vu la participation de nombreuses autorités locales et régionales, ainsi que des représentants des principales associations et syndicats locaux. Dans les discours officiels on n’a pas manqué d’évoquer, parfois avec émotion, l’importance du principe d’intégration des migrants dans une société italienne multiculturelle et la « naturelle aptitude à l’hospitalité » de la région des Pouilles. La nouvelle a fait la une de la presse locale.

Des contradictions flagrantes

Mais il n’est pas nécessaire de creuser beaucoup pour découvrir des contradictions flagrantes.
Tout d’abord la structure a été réalisée dans un endroit isolé et difficile d’accès pour quelqu’un qui ne dispose pas de voiture. Or, si c’est une structure d’accueil qui se veut lieu d’intégration et symbole d’hospitalité, les étrangers logés ici auront pourtant bien peu de contacts avec le monde extérieur, si ce n’est à travers les opérateurs et médiateurs culturels qui y travailleront.
Ensuite, le centre est ouvert seulement aux étrangers en situation régulière, alors que l’idée à la base de sa création était d’offrir sécurité et bonnes conditions de logement aux étrangers exploités dans l’agriculture. Mais on sait bien que les migrants les plus vulnérables sont ceux exploités sur le marché parallèle du travail et qui, pour la plupart, ne disposent pas d’un titre de séjour.
Des réticences peuvent être avancées aussi quant à la capacité d’accueil : 50 places quand on estime à 6000 les migrants qui arrivent chaque année pour la cueillette de la tomate dans le seul département de Foggia !

Une ghettoïsation institutionnalisée

Certes, nous sommes loin, très loin, des « ghettos » décrits par le journaliste Gatti où les travailleurs saisonniers vivent dans des taudis au milieu des champs, n’ont rien à manger, boivent de l’eau non potable et sont battus, parfois à mort, s’ils osent protester. Et pourtant… On a beau se laisser séduire par les discours enthousiastes des autorités et croire en leur bonne foi. On a beau apprécier la modernité de la structure et louer les services offerts. Ce lieu reflète une grande désolation : les petites maisonnettes en briques rouges, les grilles au fenêtres, les campagnes désertes qui s’étalent à perte de vue tout autour…
Pour résumer, il s’agit d’un endroit totalement isolé où des étrangers qui travaillent dans les champs à coté, peuvent bénéficier de tous les services sans jamais se déplacer en ville.
Intégration ? Hospitalité ? Je dirais plutôt ségrégation et isolement.
La ghettoïsation des saisonniers agricoles s’institutionnalise, avec l’aval silencieux des associations et des syndicats locaux qui attendent de voir évoluer le projet avant d’en tirer un bilan.




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